Se rapprocher de sa souffrance pour aller mieux

Dans les groupes de paroles d’Amélie, psychothérapeute, les femmes du Lieu conversent sur des thèmes liés à la question pivot : C’est quoi, être une femme ? Elles échangent, s’ouvrent aux autres, et sont plus présentes à elles-mêmes.

Amélie est psychothérapeute et formatrice. Elle intervient dans des situations extrêmes, comme au Rwanda avec Médecins du Monde. Avec son association Être et devenir, elle propose un « accompagnement psychologique de proximité à des personnes en rupture de lien social et familial ». Amélie se rend tous les quinze jours au Lieu d’accueil de jour pour femmes, pour accompagner les accueillies et aussi les bénévoles, « à juste distance », précise-t-elle.

« Elles ont souvent des problèmes liés à l’errance, condense la psychothérapeute. Des traumatismes que l’on retrouve dans les migrations, des violences. Vivre dans la rue rend fou. Pour ces femmes, il est difficile de se faire suivre ailleurs. L'éducatrice spécialisée et moi essayons de les orienter vers des soins de droit commun, mais ça n'est pas facile. » Mais en parler réveille les souffrances. N’ayant pas la certitude qu’elle pourra accompagner les personnes durant le temps qu’il faudra et soucieuse de ne blesser personne, Amélie met au point des stratégies scrupuleuses. « Si on partage, on apprivoise les femmes dans l’espace commun, il peut venir une demande individuelle. J’aurai selon les cas une intervention ponctuelle ou sur la durée. » Pour approcher les femmes, les rassembler, Amélie à créé des groupes de paroles.

S’y rejoignent celles qui veulent. Les échanges évoluent sur un thème qui a été choisi à la fin de l’atelier précédent. Amélie relance, concentre, conclut sur un résumé des propos du jour. Le fil rouge : C’est quoi, être une femme ? Parmi les questions à la source des dialogues : Peut-on avoir des buts de vie quand on est dans la précarité ? Qui doit faire un travail de changement dans la société ? Pourquoi les violences alors que les femmes élèvent les enfants ? Les participantes interrogent ensemble la violence, leurs façons d’être au Lieu. Le thème de la solidarité s’impose de lui-même. « Ça n’est pas si simple, souligne Amélie. Elles ont déjà la difficulté de se porter soi-même. »

Réfléchir ensemble apprend à ne pas toujours suivre sa première pulsion. « Les femmes ont l’occasion de parler de leurs propres problèmes. Elles ont un contact avec leur propre souffrance. Ça aide à rester humaine car au-delà de l’espoir, on s’anesthésie. »