Du temps pour construire les choses

Impliquer les habitant.es de Bellevue dans le fonctionnement de la Régie de quartier Océan nécessite beaucoup de ténacité et donc de temps. Son animatrice Aurélie Fuzet ne ménage pas sa peine. 

 

La “boutique et troc“ d’Océan, place des Lauriers à Nantes, ouvre le lundi. On peut venir s’y équiper en vêtements, bibelots, vaisselle, matériel de puériculture, tous de récupération, à prix modiques, bien sûr. Mais l’intérêt, souligne Aurélie Fuzet, est aussi écologique : « Tous les objets qui ne sont plus utilisés peuvent être utilisables pour d’autres au lieu d’être balancés dans les encombrants. »

Troc et bio

Ces encombrants, aussi dangereux qu’inesthétiques puisqu’ils favorisent les départs de feu, sont le point de départ d’une chaine : Environnement solidaires sensibilise les habitant.es et les aide à s’en débarrasser, Atao répare et vend les vélos mis au rebut, Envie 44 fait de même avec les appareils ménagers, les petits objets prennent place à la « boutique et troc », ou l’on peut aussi venir échanger, selon un barème d’équivalences dûment établi. La recette va à Océan pour l’ensemble de ses activités, mais une partie reste pour organiser les ateliers du jeudi.  Pour impulser une démarche de développement durable, Aurélie Fuzet y propose de fabriquer des savons ou produits ménagers, ainsi que des travaux manuels « et même artistiques » à base d’objets à recycler.

Les lundis aussi, en fin d’après-midi, Danielle Vialante vient vendre les légumes récoltés dans le chantier d’insertion maraîchage bio d’Océan. Chacun.e peut composer et commander son panier pour la semaine suivante, à un prix abordable même aux petits budgets.

Pas de développement durable sans changement social

Le programme est bien réglé, souple, mais pas toujours facile à mener à bien. Ce service de proximité vise à redynamiser les habitant.es et créer de la convivialité. Il ne fonctionne que grâce à l’implication de son public. « Le bénévolat aide les personnes privées de travail à retrouver un rythme à travers une activité. On acquiert des compétences mais ça permet aussi aux habitant.es de sortir de leurs murs pour être avec d’autres et créer du lien social », explique Aurélie Fuzet. Actuellement, sur sept bénévoles plus ou moins régulier.es, seules trois sont actives. « Essentiellement des femmes, même si le public est mixte. » L’animatrice ne peut ouvrir seule la « boutique et troc », question de sécurité et de disponibilité pour accueillir la clientèle, lui expliquer le fonctionnement de la régie et l’inciter à la rejoindre. Si aucun.e bénévole ne se présente, le lieu reste fermé. Tout comme des ateliers s’annulent parfois faute de participant.es.

Aurélie Fuzet s’en désole, mais ne blâme aucunement les habitant.es. « Le public est intéressé mais vient rarement. Il y a beaucoup de propositions des associations et centres culturels. Ce sont toujours les mêmes qui viennent – elles/ils ne peuvent pas se diviser ! Les habitant.es n'osent pas s'impliquer dans leur quartier, pas envie de se faire repérer. Parfois, elles/ils préfèrent s'engager en dehors.  Ou bien elles/ils se referment sur elles/eux-mêmes." Un réseau d’échanges de savoirs de proximité peine à se mettre en place. « La population n’est pas encore  dans une dynamique de développement durable. En échange d’un service, elles/ils ont davantage le réflexe  de payer que de donner de leur temps. Elles/ils manquent de confiance en elles/eux à force de ne pas trouver de travail. » Aurélie Fuzet, elle, reste enthousiaste malgré le manque de mobilisation du public. « On jongle avec tout ça », conclut-elle.