Mères enfants au Nicaragua

Au Nicaragua, qu’une fillette devienne mère à 11 ans n’étonne personne. Ce pays pauvre, au relief et au climat difficiles, affronte un taux de violences sexuelles et de maternités de fillettes faramineux.

Durant le mois de mars 2016, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes,la manifestation Mars'Elles a animé Bouguenais. Parmi les rencontres, un petit déjeuner nicaraguayen offert par le groupe Nicaragua de l'association Bouguenais Jumelage Coopération (BJC).Il accompagnait une exposition de photographies "Femmes du Nicaragua".

Au sein de l’association Bouguenais Jumelage Coopération (BJC), un groupe se consacre au Nicaragua. Ses membres travaillent depuis 1998 avec l’ONG Cesesma, basée à El Tuma-La Dalia, au Nord Est du pays. Une région montagneuse où la culture du café représente la principale ressource. Quand arrive la récolte, rapporte Noëlle Boissière, responsable du groupe, les enfants y participent et manquent l’école. Une loi récente oblige les planteurs à organiser pour les plus de 14 ans des cours compensateurs les samedis et dimanches. Depuis trois ans, une autre loi réprime les violences sexistes et sexuelles. « Un peu partout dans le pays, s’installent des “commissariats de la femme“, explique José Garcia, autre membre du groupe. Ça contribue à sécuriser les femmes. Avant la loi, s’il n’y avait pas de témoin direct d’un viol, il n’y avait pas de procès. Mais les procès se tiennent à Managua, la capitale. C’est à 175 km d’El Tuma-La Dalia, quatre heures de route au mieux, deux jours si les pluies ont raviné les routes. Les victimes ne peuvent pas toujours y aller. » L’isolement, comme la pauvreté, favorisent deux fléaux : les violences masculines à l'égard des femmes et des enfants, et les maternités de fillettes violées.

Le groupe de la BJC travaille avec l'ONG locale Cesesma. Il récolte des fonds pour soutenir des actions en faveur des enfants - dont des mères âgées de 11 à 16 ans. Il se rend au village d'El Tuma-La Dalia, ou reçoit en France des représentant.es de l'association nicaraguayenne. L'exposition présentait des photographies prises durant leurs visites, témoignant d'un environnement magnifique, et des énormes difficultés de celles qui y vivent.

El Tuma-La Dalia regroupe un noyau urbain d’environ 12 000 personnes et 193 villages ou hameaux alentours. Les chiffres 2013 du ministère de la Santé et de la Famille indiquent que parmi les 1 250 grossesses dans sa population, un quart touchait des filles de 11 à 13 ans, un autre quart, des filles de 13 à 16 ans. La plupart de ces naissances, bien sûr, découlent d’un viol ou d’un inceste. Quels que soient l’âge et l’état de santé des jeunes filles, la grossesse doit être menée à terme : depuis 2006, en effet, une loi interdit l’IVG aux Nicaraguayennes, sans aucune exception, alors que l'avortement thérapeutique était légal depuis 1893. José Garcia voit dans cette régression un effet de la montée en puissance de la religion, en particulier des évangélistes qui représentent près d’un tiers de la population. « La religion détourne de la politique. Les victimes font une prise de conscience grâce aux ONG et vivent un traumatisme. »

L’ONG Cesesma, avec laquelle le groupe travaille, fait partie de ces résistant.es qui font évoluer les mentalités. Il y a peu, les jeunes filles et les femmes enceintes d'El Tuma-La Dalia accouchaient à la Casa Materna. « Elles venaient un peu avant, sans rien, surtout les jeunes, que les familles délaissent. Elles restaient très peu de temps après. Elles étaient souvent à deux par lit, avec leurs bébés car il n’y avait pas de berceau. » Grâce à l’action de Cesesma et des Bouguenaisiens.nes, une nouvelle maison, plus sûre, tenue par des bénévoles et des sages-femmes, accueille en face de l’hôpital, où les jeunes filles et femmes accouchent. Cesesma et ses soutiens se préoccupent aussi d’améliorer la vie des enfants en leur procurant des formations qualifiantes, du matériel éducatif, en militant pour qu’on limite leur charge de travail et leur donne meilleur accès à l’école. L’isolement de nombreuses maisons complique la tâche. Certains enfants doivent marcher deux fois deux heures par jour pour se rendre en classe ; ils passent par des endroits non surveillés où il peut arriver « toutes sortes de choses ». Par exemple, pour les filles, des viols dont naîtront d’autres enfants.

Riz, haricots rouges, saucisse, avocat, banane frite et galette de maïs :le petit-déjeuner reprenait la recette adoptée tous les matins au Nicaragua.