Homoparentalité

De la reconnaissance à l'égalité

Maud Percheron est mère de deux petites filles, séparée depuis peu de sa compagne, militante de longue date de l’égalité des droits. Même si elle trouve le projet de loi incomplet et craint que son adoption ne close le débat prématurément, elle sera dans la rue à Paris le 27 janvier. Parce que la mobilisation fera avancer l’objectif qu’elle défend : « la reconnaissance automatique d’un projet de couple et de filiation ». Et du même coup, estime-t-elle, progresser l’égalité femmes/hommes.

L’homoparentalité bousculerait-elle les rôles parentaux sexués ? « Nous ne sommes pas soumis.es aux normes, explique Maud Percheron. Cela nous laisse plus libres de gérer le couple et la famille à notre image. La répartition des tâches se fait par rapport à la personnalité et aux goûts de chacun.e. » Les couples homos ont généralement désiré et attendu leurs enfants très longtemps ; elles/ils ont partagé une bataille et s’impliquent autant l’un.e que l’autre dans la parentalité. Maud Percheron souligne que cependant, « les couples homos ne sont pas fondamentalement différents des couples hétéros. » Les relations, l’organisation de la vie quotidienne ne se construisent pas davantage selon un modèle unique ; cela dépend des personnes en présence. Et il arrive que des couples lesbiens reproduisent les stéréotypes féminin/masculin de la famille « traditionnelle ».

Les lois actuelles favorisent cette reproduction. « Seule la mère biologique a des droits », rappelle Maud Percheron. La CPAM refuse au parent dit "social" les onze jours de "congé de paternité", que la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Disciminations et pour l'Égalité) propose de rebaptiser en "congé de parentalité". Si la CAF accorde un congé parental d’éducation à l’autre maman en tant que membre d’un foyer, face aux autorités scolaires ou médicales, la mère biologique est la seule reconnue, la seule habilitée à prendre des décisions. Reste la solution de la délégation d’autorité parentale. Mais « il faut monter un dossier prouvant des difficultés de la mère biologique à assumer toutes ses responsabilités, par exemple des déplacements professionnels réguliers. C’est long. Et ça reste de toute façon soumis à vie à la volonté de la mère biologique. » Passés les murs de la maison, il devient difficile de s’impliquer concrètement dans le quotidien de l’enfant. « C’est très lourd à porter pour celle qui n’a pas de reconnaissance légale », s’attriste Maud Percheron. Il faut résister pour ne pas se réfugier dans le rôle considéré comme paternel : assurer la subsistance matérielle de la famille et la discipline.

La non-reconnaissance légale d’une des mères rajoute de la souffrance à une séparation. Faute de cadre juridique, le maintien des droits et devoirs est laissé au bon vouloir de la mère biologique. Il arrive que celle-ci en abuse en coupant les ponts. Il arrive aussi que la mère non-biologique se retire des responsabilités quotidiennes et s’éloigne ainsi de ses enfants, un peu comme le font certains pères divorcés. « Quand un couple homoparental se sépare, il faut que ça se passe bien, on n’a pas le choix», insiste Maud Percheron. Elle et son ex-compagne ont opté pour une garde partagée. Sa bonne marche reposera toujours sur leurs épaules.

A l’école comme dans leur voisinage, elles ont toujours joué la carte de la visibilité. « La reconnaissance dépend des personnes en face. » Elles ont connu des réfractaires, dont une institutrice qui refusait de les faire figurer toutes les deux dans l’arbre généalogique de leur aînée, réalisé en classe. Elles ont changé d’école. Et tenu bon : « La peur s’efface si on se montre simplement en tant que femmes, qui travaillent, qui sont aussi des parents... Ça brise les fantasmes. Les gens oublient qu’on est homos. Ça fait avancer les mentalités. » Il subsiste des tabous : « Certains préfèrent voir les lesbiennes comme des copines qui s’entendent bien. Ils oublient qu’on est un couple, qu’on a une sexualité. » Et puis, il y a ceux que cela fait fantasmer et qui envoient des blagues graveleuses – auxquelles Maud Percheron se fait un plaisir de répondre.

Leur présence parmi des couples parentaux hétérosexuels interroge les rôles. « Une répartition des tâches plus souple fait envie aux femmes, raconte Maud Percheron. Elles trouvent ça hyper-positif. » Et les hommes ? « Ils restent silencieux sur ce sujet ! ».

 

Pour en savoir plus sur le combat de Les Enfants d'Arc en Ciel - l'asso !

 

Maud Percheron et sa famille ont participé au projet photographique "Objectif Naissance" - Derrière les clichés, l'album de notre quartier.