Bellevue et ses dames

 

En 2015, des KAPS (Kolocs À Projets Solidaires) de l’AFEV avaient élu domicile dans le quartier Bellevue de Nantes. Leur projet : créer une exposition sur la place des femmes dans le quartier. Que leur reste-t-il de l’expérience ?

 

Le principe des KAPS, c’est pour des jeunes, d’échanger une colocation à prix modeste contre une participation à une animation créant du lien social dans leur quartier d’accueil. Venue de Belgique, l’initiative s’est implantée en France avec l’AFEV. Guillaume Hernandez l’anime à Nantes depuis trois ans.

Il rappelle que l’enjeu est multiple : il s’agit « d’appuyer le travail », de « soutenir les envies des jeunes », de les « accompagner dans une démarche de citoyenneté », tout en s’adaptant à leurs « possibilités », car « toutes et tous ont des compétences. » Le projet Bellevue faisait partie de ceux où on demande aux jeunes de porter une thématique définie. En l’occurrence, Guillaume Hernandez avait choisi la question des femmes, leur place dans l’espace public. « On en parle mais on n’a pas de réponse à la hauteur. » L’exposition demandée tenterait d’enrichir la réponse.

Une mission en devenir

Maïwenn Saurel et Léonne Thellier, plus tard rejointes par Fabre Bahuaud, ne saisissent pas immédiatement ce qu’on leur demande. Elles débarquent, elles découvrent, elles laissent venir l’inspiration. Elles ont reçu un formidable outil de travail : le vélocafé. Cette bicyclette un peu fatiguée tracte une ample caisse pouvant contenir des thermos de café et d’eau chaude, des sachets de thé et des biscuits. Elle permettra aux kapseuses d’entrer naturellement en contact avec les habitant.es de Bellevue. En fin de matinée, elles s’installent avec le vélocafé place des Lauriers, sur les marchés, au coin des rues. Les rencontres et leurs conversations font la matière de leur enquête, sans qu’elles le sachent encore tout à fait. Pour l’instant, l’inquiétude passée, elles savourent leur plaisir : « J’ai adoré le quartier tout de suite », s’enthousiasme Léonne Thellier.

Guillaume Hernandez a demandé à Émulsion d’accompagner les kapseuses dans l’appréhension de la thématique. La question des femmes, elles n’y ont pas vraiment réfléchi. Audrey Mayeux, en service civique à l’AFEV, chargée de suivre leur projet et de faire le lien avec l’association, pas davantage. Outre prendre les photographies destinées à la future exposition, la photographe Corinne Provost va attirer leur attention sur des attitudes et des faits qui montrent qu’à Bellevue comme ailleurs, femmes et hommes se voient assigné.es une place réglementée dans l’espace public.

Que répondre aux faits ?

Quelles conclusions en tirer ? Léonne Thellier remarque qu’il y a des « problèmes de mixité », mais estime qu’il ne faut pas mettre « toute la faute sur le dos des hommes ». Maïwenn Saurel pense que « dans notre société », ce qu’elle nomme « la femme » est « affirmée et importante ». Les deux colocs voudraient d’ailleurs ultérieurement s’intéresser aux garçons, dont elles relaient les plaintes. Comme le note Elodie Lelou dans son étude sur la place des jeunes filles dans l’espace public, ils se sentent négligés. Audrey Mayeux pense que l’expérience va « influencer son parcours » et que dorénavant, elle va « tenir compte » de la division sexuée dans son travail.

La déclarée coach se reproche de ne pas s’être montrée assez présente dans l’élaboration et la réalisation de l’exposition. Dans les projets KAPS, qui précipitent des jeunes dans des mondes et des défis inconnus, la réflexion de conclusion est intense. Elle concerne aussi la réalité de l’action collective. Maïwenn Saurel trouve qu’il faudrait mieux « définir le rôle de chacun dans une collaboration et s’y tenir ».  Trop de cadre ou pas assez ? Guillaume Hernandez souligne la  difficulté pour les accompagnant.es d’encourager le désir d’autonomie des jeunes tout en les rappelant à leur engagement. 

Pour Bellevue et ses dames, Maïwenn Saurel, écrivit les textes ; Léonne Thellier composa les panneaux en ajoutant ses propres dessins aux photographies de Corinne Provost. La graphiste Claire Luxey et l’écrivaine Dominique Foufelle, d’Émulsion, conseillèrent techniquement sans toucher au contenu. L’exposition fut achevée pour son inauguration. Sur la place des Lauriers, les habitant.es lui réservèrent un bon accueil. On y retrouvait une ambiance familière, mais un regard nouveau sur le quartier.

 

Pour découvrir ou revoir l’exposition Bellevue et ses dames, rendez-vous le vendredi 22 janvier 2016 au centre socioculturel du Jamet.