Anelise Peres de Perez, chanteuse et plasticienne

Du dynamisme à revendre

Avec les papiers de toutes couleurs et textures qui envahissent son appartement, Anelise Peres de Perez fabrique des bijoux. Mais cette passion récente n’est que l’une de celles qui ont animé sa vie trépidante, où elle a poursuivi deux objectifs : s’amuser et partager.

 

Anelise Peres de Perez est née à Porto Alegre, dans le sud du Brésil. Dès le collège, elle se prend d’amour pour la langue et la culture française. Elle projette de partir étudier en France grâce à un partenariat entre l’Alliance française de sa ville et le gouvernement français. Hélas, les aléas de la vie en décident autrement. Ce rêve, elle le réalisera bien longtemps plus tard, en venant s’installer à Nantes il y a quatorze ans.

 

Jeune bachelière

Elle n’a pas cessé d’aimer la langue française, qu’elle manie très bien, et en 2012, elle décide de passer son bac. Anelise Peres de Perez n’a pas fait d’études supérieures, mais elle « adore étudier, ça fait du bien. C’était difficile, car les méthodes d’enseignement sont très différentes en France mais j’ai adoré cette ambiance de fac. Je me suis sentie jeune à nouveau ! J’étais la plus âgée, mais j’ai fait des amitiés. J’ai beaucoup d’ami.es qui sont jeunes. Je n’aime pas rester uniquement dans le cercle des Brésiliens de Nantes, même si parler avec eux me permet de ne pas oublier ma langue. »

Dès son arrivée en 2000, elle s’est intégrée en mettant en œuvre ses talents variés, au service d’associations. Et pourtant, elle a attendu onze ans sa carte de résidente. Année après année, sa demande à la préfecture est refusée : « Sous prétexte que je ne gagnais pas assez d’argent. Je vivais, pourtant. Je travaillais comme animatrice, j’organisais des expos, je m’occupais du Carnaval brésilien du quartier du Tillay à Saint-Herblain, j’appartenais à plein d’associations, j’étais membre du Conseil de la citoyenneté des étrangers... J’étais super intégrée ! Des amis brésiliens qui parlaient à peine le français ont eu très vite leur carte. J’étais révoltée ! Pendant un moment, j’ai tout arrêté. Et puis, onze ans plus tard, alors que j’étais au chômage, je l’aie eue. »

 

Chanteuse

Anelise Peres de Perez était venue en France « pour chanter ». Elle a commencé à se produire en public à 15 ans. Dans les années 1980-1990, elle a fait carrière sous le nom d’Annie Pérec. Un journaliste a transformé par erreur Peres en Pérec, et elle gardé le pseudo. Quant à Annie : « Tout le monde m’appelle comme ça, même ma maman. Les Brésiliens donnent toujours un petit nom, pour faire câlin. » L’excentrique Annie Pérec joue avec son image, multiplie les costumes, les coiffures et les couleurs de cheveux, avec un certain goût pour la provocation. Elle chante de la pop, tendance house music, en brésilien.

En France, on lui déconseille de poursuivre sur cette voie, dont on lui dit qu’elle ne séduira pas le public français. Alors, Anelise Peres de Perez s’oriente vers le répertoire traditionnel brésilien : les bossa nova des années 1960 et des balades plus anciennes qui lui viennent de sa mère. Dès son arrivée, elle monte un groupe mélangeant musicien.nes français.es et brésilien.nes. Malgré les difficultés de gestion et de financement, le groupe durera cinq ans. Anelise Peres de Perez s’accorde une pause de deux ans, puis forme avec un guitariste le duo Café com Leite, qui tourne toujours. 

 

Plasticienne

A la fin des années 1960, Anelise Peres de Perez est une hippie « Avec mon ex-mari, on a vécu un an sans argent, dans une maison de pêcheur sur une plage magnifique du Brésil. On se nourrissait de poisson. » Puis, le couple tente de vivre des dessins qu’il réalise et qu’elle vend dans les rues, tout en continuant à chanter. Mais les dessins au crayon attirent peu la clientèle. Le couple s’enferme plusieurs jours dans leur studio et cherche une solution. Les expérimentations mènent au goudron, détourné de sa fonction de protection du bois pour colorer les dessins. « On a essayé avec des cartes de Noël. On en a très bien vendu, on a gagné beaucoup de sous. Un jour, un monsieur m’a demandé si on pouvait lui faire un tableau avec une maison avec un lac, des arbres, des oiseaux... On lui a fait : il était ravi ! Après, on a vendu plein de maisons avec un lac ! ».

Son ex-mari dessine, Anelise Peres de Perez appose la couleur. Elle crée des effets en variant les dilutions et les colorations du goudron, « une matière géniale mais difficile à maîtriser ». La vente de leurs tableaux les fait vivre, avec leurs deux filles, pendant dix ans.  « C’était de l’art populaire, figuratif. Uniquement des pièces exclusives, mais pas chères, que les gens simples pouvaient s’offrir. "

 

Maniaque du papier

Après sa séparation d’avec son dessinateur de mari, Anelise Peres de Perez continue en travaillant à partir de photographies. Elle aime toujours la technique du goudron, et caresse l’idée de réaliser des grands formats. « Mais il me faudrait un atelier. Ici, il n’y a plus assez d’espace pour moi. Juste de l’espace pour les papiers et pour le chat ! ». En effet, son petit appartement sur la place des Lauriers, à Bellevue, est plein à craquer de son matériel de création, terrain de jeu de Pitouche. Elle collecte toutes sortes de papier : catalogues, magazines de mode, papiers cadeaux, « tableaux ratés », photocopies, crépon, papier de riz, jusqu’aux serpentins et confettis ramassés à la fin d’une fête. En variant textures et couleurs, elle confectionne des bijoux, des vases, des boîtes, des décorations... Elle les vend sur les marchés de Noël ou d’artisanat.

Coordinatrice de projets socio-culturels, Annelise Peres de Perez organise en ce moment le projet Walking Gallery qui propose aux artistes des déambulations avec leurs œuvres dans des espaces publiques. Très attachée au partage, elle est aussi animatrice. Elle dirige le Centre de loisirs de l’association La Sagesse au groupe scolaire Saint-Jacques-de- Compostelle. L’an dernier, elle a importé à Bellevue la Fête des enfants, officiellement célébrée au Brésil le 12 octobre. Elle initie les enfants, et bientôt les adultes, au travail avec le papier, qui leur permet de réaliser simplement de très jolies choses. Pratiquant le recyclage artistique d’objets de récupération, très répandu au Brésil jusque dans les décorations urbaines, elle utilise aussi des bouteilles en plastique. Elle ne cesse d’expérimenter de nouvelles techniques, qui exigent toutes une énorme patience. L’étape incontournable du roulage des bandes de papier qui deviendront des perles, lui a valu un début de tendinite. Mais cette battante débordante d’enthousiasme trouvera une solution pour détourner le problème, et poursuivre son chemin en toute liberté, comme elle l’a toujours fait.