Diarra, Ginia, Fatouma

Diarra, née au Mali

"J'ai quitté le Mali à cause de trois choses. D'abord, l'excision. J'avais monté une association pour lutter contre. Le viol. J'étais partie vers le Nord pour vendre du riz et sur le chemin, on m'a violée. Le viol m'a désespérée. J'ai eu une très grosse infection, et finalement, un cancer. La troisième chose, c'est la guerre. Ma sœur a été massacrée avec toute sa famille. Je ne tenais plus mes nerfs. Alors on m'a aidée à partir en France. Je suis là depuis sept mois."

Ginia, née en Haïti

"Je suis arrivée à 29 ans. Maintenant, j'en ai 43. J'avais un homme, on vivait chacun chez soi. Il s'est fait tuer pour des raisons politiques.Il était violent, mais pas au point... Ce n'est pas pour ça que je suis partie, c'est parce qu'il s'est fait tuer. Moi, j'avais pas les moyens de me défendre. Quand je suis arrivée, je n'avais pas les arguments pour demander l'asile politique. On me l'a refusé. J'avais de la famille, on m'a soutenue, on m'a hébergée, j'ai eu un enfant en France. Au début, j'étais à Paris, j'ai une cousine. Je suis restée avec eux, puis après je suis venue à Nantes faire des petits boulots, avec d'autres gens. Quand je suis partie de Haïti, j'ai laissé mon fils aîné. Il est venu ici après le séisme. Je l'avais laissé à 2 ans et trois mois dans la famille. Onze mois après mon départ, maman est décédée. C'était un gros, gros chagrin. La première fois que je suis retournée en Haïti, mon fils avait 7 ans. Je suis restée vingt-et-un jours avec le petit. Avec le séisme, il y a eu un moment où on ne pouvait pas du tout communiquer. Devoir téléphoner tout le temps pour avoir des nouvelles, c'est dur. Maintenant je me dis : laisser mon enfant, est-ce que je pourrais le faire encore ? Je ne suis pas très sûre. C'est pour ça que je n'aime pas reparler de ça. Les gens me disaient, quel courage tu as, mais moi... Maintenant, mon fils est avec moi depuis cinq ans et on va partir passer quelques jours en Haïti. Il n'y a plus de risque pour moi. Bien sûr que je reviendrai en France. C'est mon deuxième pays, j'y suis venue, j'y reste. Là, on va faire des vacances, comme tout le monde. Et au retour, je vais demander la nationalité."

Fatouma, née en Guinée Conakry

"J'ai quitté la Guinée parce que j'avais des problèmes familiaux, des problèmes conjugaux... J'ai subi un mariage forcé pendant seize ans, presque. Je me suis mariée à l'âge de 14 ans. Je suis née dans une famille qui respecte trop la religion, qui force à respecter la culture. Moi, je n'ai pas eu la chance d'aller à l'école. Quand j'étais petite, je voulais tellement étudier. J'ai appris à parler, j'ai appris à lire certains mots, mais je n'ai jamais mis les pieds dans une école. Je continue ici à apprendre,  à ma manière, car comme je n'ai pas encore de papiers pour avoir certaines possibilités. Mais j'apprends à ma façon dans des associations. La première fois que je me suis enfuie, ça n'a pas marché, alors je me suis enfuie une deuxième fois.

Quand j'étais petite, on m'a excisée, en même temps, on m'a soudée (infibulée).  Je ne savais pas. Quand  on m'a donnée en mariage, mon père m'a dit : il faut respecter la décision de ta grande sœur, on va te marier à ton cousin. Je me suis mariée à mon cousin.Pendant presque un an, il essayait de savoir si j'étais vierge ou non. Ma sœur seule savait que j'avais ça (l'infibulation). On a commencé à me critiquer, à me dire que je n'étais pas une vraie femme. Un jour, ils ont décidé d'appeler une vieille femme pour me consulter. Elle a dit que j'avais ça. Ils ont décidé de m'inciser avec une lame, et le même jour, ils m'ont donné à mon mari. Normalement, le mariage, ça ne doit pas être forcé. En ce temps-là, je l'ai supporté parce que j'étais petite, naïve, mes yeux n'étaient pas ouverts, je ne connaissais pas la vie. J'ai fait des fausses couches. A la fin, j'ai eu quatre enfants. La première, on l'a excisée, mais les deux autres, je les ai sauvées. J'ai dit que je ne voulais pas qu'elles subissent ce que moi j'ai subi. Mais la grande, je n'ai pas pu la sauver, je n'avais pas assez mûri. Quand j'ai fui, je n'ai pas pu emmener mes enfants.

J'ai eu des maladies. En Guinée, j'ai failli mourir. Je sors de l'hôpital. Ils ont découvert du diabète. Je suis asmathique, j'ai des hémorroïdes... J'ai beaucoup souffert. Mes enfants me manquent. Je vois même un psychologue. Parce que même si tu confies tes enfants à des personnes que tu connais, c'est pas du tout pareil. Enfant-maman, c'est trop fort. Je me suis sauvée d'abord pour pouvoir sauver mes enfants. J'espère qu'un jour, je les amènerai auprès de moi."

A SUIVRE