Yamina

Yamina, née en Algérie

J’ai 38 ans. Je suis venue en France parce que j’ai une maladie, très rare, une maladie orpheline et je ne pouvais pas avoir accès à mon traitement là-bas. Je suis venue ici dans le but d’être bien soignée. Je suis arrivée toute seule. Mes parents étaient d’accord pour que je vienne en France, ils voyaient que j’étais malade. Quand je suis venue ici, je ne savais pas où aller. J’ai rencontré des problèmes. J’ai rencontré cet homme-là. J’étais célibataire. Il y a des gens qui m’ont fait la rencontre, c’était à la mosquée. Avant, j’ai parlé avec lui au téléphone et il m’a paru que c’était un homme bien. Mais c’est quand on vit avec la personne qu’on commence à bien le découvrir. J’ai vécu avec cet homme pendant presque trois ans. Il était divorcé et avait trois enfants avec une Africaine. On a célébré un mariage religieux en Algérie. Au bout d’un moment, son ex-femme a commencé à faire des problèmes avec ses enfants. Tout le temps ils étaient là et ils ne me respectaient pas ? Je n’avais même pas le droit de leur dire « Non, il ne faut pas faire ça », leur papa me faisait comprendre que je n’étais pas chez moi, c’était chez eux. Avec ma maladie, la myasthénie, c’est pas facile. Je faisais plus d’efforts pour prendre soin de ces enfants. Je ne sortais pas parce que je n’avais pas la carte de bus. Une fois je lui ai demandé de me faire l’attestation d’hébergement pour que je renouvelle ma carte d’aide médicale, il n’a pas accepté. Du coup, j’ai dû diminuer mes doses de traitement, j’étais plus fatiguée et je tombais plus dans la maladie. Des fois, il partait travailler, il me laissait sans nourriture, sans rien. Il me forçait à faire des choses que moi je n’acceptais pas. Je n’avais pas le choix parce que je ne pouvais pas rentrer en Algérie. Surtout que mon papa, il était contre ce mariage, il ne voulait pas entendre parler de moi là-bas. Après, il a dit que je prenais bien soin de ses enfants. J’ai abordé le sujet avec lui et je lui ai dit que je n’avais droit à rien, que je ne pouvais pas sortir, je ne pouvais pas faire renouveler ma carte, et il a dit « D’accord, on va faire le mariage civil. » On a fait le dossier, on l’a bien rempli. Et à chaque fois qu’il me fixait la date, il trouvait un prétexte et annulait le rendez-vous. Mon papa était au courant que je travaillais comme une esclave, et quand j’ai dit à ma famille qu’il était d’accord pour le mariage civil, il a dit à ma maman « D’accord, tu vas aller en France, tu vas être avec ta fille.» Cet homme a pris le chèque que m’avait apporté ma mère et il est parti. J’ai commencé à lui téléphoner et je tombais toujours sur la messagerie. Le jour prévu pour notre mariage, il a coupé la ligne. Là, les problèmes ont commencé. Le logement était à son nom. Le monsieur de Nantes Habitat venait souvent et il me disait : « Madame, tu n’as aucun droit de rester dans ce logement. » Les deux premiers rendez-vous avec lui, je n’ai pas voulu lui ouvrir la porte, j’avais peur. Après j’ai vu mon assistante sociale et elle m’a dit de lui ouvrir et de bien lui expliquer la situation. Quand il est venu, il m’a dit : « D’accord, on croit votre histoire mais vous n’avez aucun droit de rester ici. » Il m’a dit qu’il viendrait m’expulser même si je fermais la porte, avec la force publique et que j’essaie de vider l’appartement. J’ai même essayé d’aller avec un autre homme mais ça n’a pas marché. Lui, il avait presque 70 ans. Des gens sont venus faire la rencontre. Je me suis dit que, plutôt que d’être dans la rue, j’allais partir avec lui. Il n’a pas voulu être avec une femme trop jeune.

J’ai rencontré Fatou aux Restos du Cœur qui m’a fait connaître l'association qui m’a aidée. J’ai eu une réunion à Nantes Habitat. Là, il y avait une association qui s’appelle Étape qui m’a dit qu’ils allaient m’héberger pour deux ans. J’y suis depuis un an. Après, je ne sais pas ce qu’il va se passer. Je dois rester ici pour me soigner. J’ai des hospitalisations régulières. Des fois j’ai des crises myasthéniques. Ma médecin neurologue me suit depuis quatre ans. Elle me dit que ma maladie s’aggrave, évolue et elle m’a envoyée chez un autre médecin. Pour le moment, je n’essaie pas de penser à ce que je ferai quand mon hébergement sera fini, parce que je n’aime pas penser à tout ça, si je me retrouve à la rue encore une deuxième fois.

En Algérie, j’étais mariée. C’était un mariage civil et tout ça. Je suis restée avec lui huit mois. Il faisait le va-et-vient en Espagne car il travaillait en Espagne. Je restais avec ma belle-famille. La mentalité en Algérie n’est pas la même qu’ici en France. Il y a tout le temps des invités qui rentrent, qui sortent, il faut leur préparer à manger, faire le ménage... Tout le temps, il faut que tu sois debout. Moi, de temps en temps, il faut que je me repose un petit peu. Quand je me forçais, j’étais moitié handicap, je ne pouvais plus me lever. Quand ils ont vu que j’étais comme ça, ils ont décidé de me ramener chez moi. J’ai essayé de contacter mon mari et lui expliquer, mais il m’a dit que si c’était comme ça, c’était fini. Alors que moi, je vous jure, s’il avait eu le même cas, je ne le laissais pas tomber. Je savais que j’avais cette maladie, mais il n’y avait pas le traitement, je ne pouvais pas être hospitalisée. Juste pour voir le professeur, c’est trop cher là-bas. Je n’ai pas de carte pour acheter mes médicaments. En Algérie, tout est compliqué, il n’y a rien. Même si je le vois, je ne veux pas lui adresser la parole. J’ai dû retourner en Algérie pour terminer le divorce, et puis je suis revenue ici pour me soigner.

En France au début, avec mon compagnon qui m’enfermait, je ne sortais pas, je ne faisais confiance à personne. Et puis petit à petit, l’association Étape m’a fait connaître d’autres associations. Ça me permet de voir des gens, de discuter avec eux, parfois de faire des sorties. Je vois que je ne suis pas toute seule. Je sens que je peux leur parler, il y a des dames qui m’écoutent. En plus, ici en France, ils ne savent pas que je suis divorcée, même si ils savent, ça n’a pas une grande importance. Tu peux vivre normalement, alors qu’en Algérie tu ne seras pas à l’aise dans ta tête. Je pense rester ici quand j’aurai fini de me soigner car je sens que j’ai déjà une vie ici. Je participe à beaucoup de choses, j’ai une vie active ici, je sens que je sers à quelque chose. Par contre, si je rentre en Algérie, je vais être encore plus malade. En plus, ma famille ne va plus m’accepter. Ils étaient contre ce mariage. Eux, ils ne comprenaient pas que sans abri, je ne pourrais pas avoir accès à mon traitement. J’ai pris le risque de rester avec cet homme pour avoir accès. J’ai essayé de porter plainte mais ça a été classé sans suite. Mon avocat a contacté le doyen des juges.

Dans mon pays, j’étais avocate. J’ai exercé quelques mois le métier d’avocate puis je me suis mariée. Mon mari était contre que je travaille. Quand mon avocat m’explique, je comprends, quand il y a des délais, je comprends pourquoi. Ça aide. Ma maladie, c’est un handicap mais si je trouve un travail adapté, oui, j’aimerais travailler plutôt que de rester sans rien faire. Ça va m’aider. N’importe quel travail pourvu que je bouge. En Algérie, pour devenir avocate, j’ai fait beaucoup d’études. Je me suis renseignée ici et on m’a dit qu’il fallait que je reprenne tout à zéro.

À SUIVRE