Des femmes en politique

Pourquoi les femmes s’engagent-elles en politique ? Pour répondre à cette question, cinq femmes, candidates et/ou élues à Nantes et dans la région Pays de Loire, sont retournées à la source de leur engagement : leur parcours personnel. 

C’était le 8 mars 2014, lors d’un café/débat au centre socioculturel de Bellevue organisé par La CSF, Femmes Solidaires, Emulsion, les CSC ACCOORD de Bellevue et des Bourderies.Sans fards, ni slogans, Aline Chitelman, Marie-Françoise Clergeau, Abassia Hakem, Catherine Choquet et Brigitte Biche se sont prêtées au jeu : elles sont revenues sur leur histoire personnelle qui un jour les a faites rejoindre le monde de la politique.

Aline Chitelman

Elle fait partie de la liste : « A gauche toute ». Son engagement, elle le doit à des problèmes très terre à terre rencontrés durant son adolescence. Un hiver, la famille a besoin de fioul pour se chauffer, le père est absent de la maison, il voyage souvent pour son travail. La mère décide de prendre l’argent sur le compte d’épargne de sa fille, Aline. Refus catégorique de la banque : il faut l’autorisation paternelle. « Cet épisode m’a marquée car la famille a du se passer de chauffage tout l’hiver », se souvient-elle avant d’évoquer un autre exemple. Durant ses études, elle a une correspondante allemande, elle décide de se rendre chez elle, sa mère l’accompagne mais à la frontière on leur refuse l’entrée du pays, une fois de plus on exige une autorisation du père. Plus tard, mariée, Aline Chitelman, veut acheter une voiture. Pour ce faire elle doit prendre un crédit : impossible sans l’autorisation de son mari !

Cette accumulation d’injustices fera naître son engagement féministe dans un premier temps puis syndicaliste.  Elle entrera ensuite en politique pour pouvoir faire disparaître ces inégalités.

Marie-Françoise Clergeau                                                                                  

Élue à la mairie de Nantes, députée socialiste et questeure à l’Assemblée Nationale, elle a toujours été très active dans la vie associative et sportive. Devenue mère, c’est naturellement qu’elle prend part à la vie scolaire de ses enfants en rejoignant les « parents d’élèves », tout en militant dans la vie associative. « Mais pour changer les choses, il fallait s’engager en politique », explique-t-elle. Cette prise de conscience l’amène, en 1989,  à prendre sa carte au Parti socialiste et à rejoindre la liste de Jean-Marc Ayrault pour les élections municipales.

En 1997, elle remporte la deuxième circonscription et devient députée. Cependant lorsqu’on lui propose de se présenter comme questeur à l’Assemblée nationale, elle a des doutes quant à ses capacités. « Il faut que les femmes se prennent en main, elles doutent d’elles-mêmes alors que les hommes ne se posent pas de question, comme si c’était toujours et encore naturel pour eux », insiste Marie-Françoise Clergeau. Elle devient féministe lorsqu’elle accepte la délégation des Droits des Femmes à la Mairie de Nantes en 1989. Elle est fière d’avoir voté, en 2001, la loi sur la parité, aujourd’hui elle travaille sur la loi égalité femme/homme.

Habassia Hakem

Elue socialiste à la Mairie de Nantes, elle est issue d’une famille de huit enfants dont sept filles. Elle raconte que contrairement à certaines pratiques répandues dans les familles d’origines maghrébines, son père n’aura de cesse que de les mettre en valeur, les incitant toutes à faire des études et à avoir une vie sociale. C’est la vie de sa mère qui influencera ses choix politiques, en effet celle-ci a eu huit enfants, elle aurait souhaité pouvoir choisir ses grossesses mais à cette époque aucun médecin ne délivrait la pilule.

Dès 1980, Abassia Hakem s’engage dans le milieu associatif, avec les FRANCAS notamment, en 1984 elle entre à l’IEP de Bordeaux pour étudier le droit. A l’université, la droite extrémiste est très présente, son intérêt pour la politique s’en trouve encore accentué. Après avoir fait partie des Jeunesses communistes, elle prend sa carte au Parti socialiste en 2001. Elle fait partie de la liste socialiste aux élections municipales en position éligible. « Mais malgré cela je suis consciente que c’est la loi sur la parité qui m’a permis de me retrouver à cette place », constate-elle.

Abassia Hakem insiste sur le fait que faire de la politique autrement, phrase qui revient si souvent, n’est pas si simple et que cela se construit au quotidien. Aujourd’hui, à 55 ans, elle continue son combat pour la reconnaissance des droits des femmes et celui-ci n’est pas fini : « Il n’y a qu’à voir les sujets d’actualité et les polémiques déplacées notamment sur la théorie du genre », souligne-t-elle.

Catherine Choquet

Membre d’Europe Écologie les Verts, adjointe à la Mairie de Nantes, elle revient sur ses origines familiales. Issue d’une famille de militaires sur trois générations, elle grandit au sein d’un cadre très traditionnel. « Il y avait le chef de famille et pas la même éducation pour les filles et les garçons », se souvient-elle. Jusqu’à l’adolescence les différences marquées entre son frère et elle, ne la choquent pas, elle vit entourée par des familles comme la sienne. Et puis ces petites brimades quotidiennes, ces inégalités lui deviennent insupportables. Un autre exemple s’offre à elle : sa tante, une militante du Planning familial qui prend le volant lorsqu’elle est en voiture avec son mari ! Catherine Choquet construira sa vie sur ces notions d’égalité. Pourtant, elle n’a pas choisi un métier en rupture avec le travail attribué aux femmes par la société en général : elle est éducatrice spécialisée. Elle assume ce choix car elle aime s’occuper d’enfants tout simplement.

Lorsqu’elle s’engage en politique en 1985, elle prend de la distance avec sa famille, celle-ci ne reconnaît pas les valeurs qu’elle défend. Tout change en 2001. Elle fait partie d’une liste pour les élections municipales et alors qu’elle ne savait trop comment annoncer la nouvelle à ses parents, ces derniers la félicitent, très fiers que leur fille soit élue et devienne adjointe dans une ville de la taille de Nantes.

Pourtant, elle a longuement hésité à s’engager, elle pensait ne pas avoir les compétences nécessaires. « C’est la parité qui m’a fait entrer en politique, en 2001, les partis sont venus chercher les femmes », reconnaît-elle. Ses débuts en tant qu’élue ont été un véritable enfer, elle se mettait une telle pression et surtout, c’était difficile de concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale. « Avec d’autres élues femmes, nous avons monté des petits groupes pour nous soutenir », raconte-t-elle.

Brigitte Biche                                                                                                          Ancienne élue municipale à Sainte-Luce, elle vient de la société civile. Issue d’une famille catholique d’Anjou, elle cherche rapidement à se différencier de ces quatre autres sœurs qui elles, suivront des voies plus traditionnelles. Engagée dans des mouvements de jeunesse, elle fait des études d’assistante sociale puis se tourne vers la sociologie. Dans les années 1968, elle entre au Parti Socialiste Unifié (PSU). Militante syndicaliste, elle est en pleine réflexion politique, c’est dans ce milieu qu’elle rencontre son mari.

Pour elle, c’est leur départ, puis leur vie au Niger durant quatre ans qui seront décisifs dans ses choix politiques et professionnels. Elle deviendra sociologue à l’instar de Germaine Tillion dont le livre, Le harem et les cousins, est pour elle une révélation.

« Mon intérêt politique est surtout tourné vers les problèmes sociaux », affirme Brigitte Biche. Elue en 2007, ce n’est pas un hasard si elle décide de s’occuper des gens du voyage et des Rroms. Elle regrette cependant de ne pas avoir insisté pour avoir une délégation car son travail sur l’accueil des familles rroms n’a pas été reconnu à sa juste valeur par les autres élu.es. Brigitte Biche ne s’est pas présentée aux dernières élections municipales, elle veut laisser la place aux jeunes. Avec amertume, elle souligne que la Gauche part divisée aux prochaines élections pour des questions d’égos. Les résultats lui ont donné raison, Sainte-Luce a rebasculé à droite aux dernières municipales.
Lire le portrait de Brigitte Biche

La parole est à la salle

Après ces cinq témoignages très attentivement suivis, le débat avec l‘auditoire s’est engagé. Soulignons au passage que seul un homme était présent pour ce café/débat.

Il fut donc question de l’engagement lié au parcours personnel mais aussi de la recherche de légitimité pour les femmes engagées en politique, de l’exercice du pouvoir, différent selon qu’on soit une femme ou un homme. Une personne qui elle-même s’est engagée en tant qu’élue représentante de la société civile, a réaffirmé qu’elle avait vécu une véritable solidarité entre les jeunes élues. Elle rappelle qu’elle avait suivi une formation pour mieux faire face à ses nouvelles responsabilités, et qu’elle avait constaté que cette formation n’était pas demandée par les hommes car pour eux, s’occuper des affaires municipales leur était naturel.

Fut évoqué aussi le changement des modes de fonctionnement : faire voter et appliquer le non-cumul des mandats, limiter la durée d’exercice en politique et obtenir un réel statut de l’élu.e.

Pour conclure, deux des élues invitées sont revenues sur les pratiques politiques des femmes et des hommes. D’après leur expérience, si la solidarité était présente entre élues, les questions d’égos dépassent souvent la question du sexe. Elles ont souligné l’importance de faire ses preuves auprès des habitant.es.

C’est dans cette ambiance chaleureuse et respectueuse des témoignages de chacune que le débat a pris fin, montrant par là-même un visage plus humain à la politique.