L'importance d'être une femme

Lundi 2 mai 2016 : quatrième atelier Expression

Avec : Alexandra, Gaëlle, Maka, Martine, Murielle, Saïda et Yolenn

L'idée avait été lancée telle que, sans préciser si l'on parlerait de l'importance dans la vie de chacune ou dans la vie sociale. Débutée sur une surprise, l'atelier est parti sur un chemin de traverse, mais dans une ambiance extrêmement attentive et participative.

C’est la première fois qu’Alexandra participe à l’atelier Expression. Elle tient aujourd’hui à parler de « l’importance d’être une femme homosexuelle ». Elle a grandi à la campagne, dans une famille d’accueil très catholique, où l’homosexualité était tabou : « Avec ma première copine, on se cachait. Derrière les poubelles ! Quand je l’ai dit, ma mère m’a foutue dehors. » Après être venue à Nantes, elle a « assumé ». Elle fait partie d’une association où, via Internet, homos et hétéros discutent sur « ce qui va, et ce qui ne va pas », pour « essayer de faire évoluer la situation, sur tous les problèmes des femmes ». Alexandra ne demande pas la lune : « Je ne force pas les gens à m’aimer mais à me respecter. Je suis une femme à part entière. »

Faire le ménage ou pas

Ses camarades écoutent Alexandra, étonnées pour la plupart, pas hostiles du tout, peinant à commenter ce récit intime très émouvant. Murielle intervient pour dire que chez elle, au Congo-Brazzaville, on ne juge pas. « Juger, c’est aller trop loin », affirme-t-elle.

La conversation s’oriente bientôt sur la liberté dont jouissent – ou non – les femmes. Murielle raconte que « Au Congo-Brazzaville, la femme peut faire ce qu’elle veut comme un homme, on ne nous marie pas de force. Mais elle doit s’occuper de la maison. On apprend aux garçons et aux filles à savoir tout faire. Mais dès qu’un homme se marie, là, c’est sa femme qui fait. Il peut le faire, mais pas quand ses amis ou sa famille sont là. ». L’atelier s’anime car on évoque un problème que toutes connaissent ou ont connu. « C’est une question d’éducation, note Gaëlle. Les femmes fabriquent des petits machos. » « Ça ne met pas une femme en valeur qu’elle ait passé l’aspirateur deux fois dans la journée, proteste Martine. On a d’autres choses que ça. » « Moi, je m’éduque moi-même, dit Murielle. Est-ce que demain, si je rencontre quelqu’un, je vais le laisser faire le ménage ? Je suis en train de reformuler un peu dans la tête parce que chez nous, c’est un peu tabou. » Saïda se désole qu’en retournant en Algérie, où la situation des femmes s’est dégradée, elle ait constaté avoir « perdu ses copines ».

Divorcer ou pas ?

De la répartition des tâches dans un ménage, on passe, en douceur, au divorce. Murielle explique que sa mère s’est sacrifiée en ne divorçant pas. « Le divorce, c’est mal vu en Afrique. Les parents s’occupent de nous quand est jeunes. Quand on grandit, on s’occupe d’eux. Si les parents sont divorcés, ça peut poser des problèmes. » Si elle se mariait en France, Murielle ne divorcerait pas : « Tant qu’on peut rafistoler, on reste. » Protestation générale : « On ne peut pas toujours ! » Yolenn insiste : « Moi, ce que je reproche à ma mère,  c’est de ne pas avoir divorcé. Tu peux aussi protéger un enfant en divorçant. » Martine approuve : « Quand les enfants grandissent, ils s’aperçoivent que dans le foyer familial, il y a des choses qui ne vont pas. Un enfant sans père, ça vit comme ça peut, un enfant dont le père est violent, aussi. Il n’y a pas de solution toute trouvée. » Toutes s’accordent à dire qu’il ne faut pas dire à un enfant qu’on se prive ou qu’on fait des sacrifices pour elle/lui.

La confiance est citée dans les atouts majeurs d’un couple. « Mon mari est à Paris, raconte Maka. On a 100% confiance. S’il va avec une autre femme, je veux qu’il me le dise. S’il se sent bien, qu’il parte avec elle. » Le mari de Saïda était jaloux : « C’est dangereux, un homme jaloux. » Pourtant, « Mon mari était très beau, mais je n’étais pas jalouse. » Alexandra précise que dans les couples homos, la jalousie existe aussi.

Vivre sans homme

Martine, qui a divorcé, savoure sa liberté : « Avant, j’étais un peu soumise quand même. » La vie sans homme, pour elle, c’est « faire ce qu’on veut quand on en a envie ». Saïda est veuve depuis un an, après trente-huit ans de vie commune, cinq enfants et des petits enfants. « Je veux rester jusqu’à la fin de mes jours comme ça, sans avoir à me remarier, parce que je suis très heureuse comme ça. » Elle reçoit régulièrement des demandes en mariage. « La mentalité, ça a changé ! J’ai connu la France, j’ai connu mon pays, j’ai vu les différences de culture. Maintenant je n’ai plus de mari, je préfère rester ici, je suis en sécurité. » Même si dernièrement, un de ses fils vivant avec elle lui a infligé une scène parce qu’elle se trouvait à une soirée au Palais des Congrès. « Il n’y a pas plus sérieuse que moi !», proteste-t-elle. Saïda en a été très affectée, a appelé son aîné à la rescousse, puis a imposé des représailles : « J’ai commencé à ne plus faire toujours à manger, je ne fais plus sa chambre, je ne le garderai pas chez moi quand il se mariera. »

Cependant, certaines dames ont à subir d’autres pressions que celles d’un mari. Murielle, qui a des soucis de santé, rappelle ses souffrances dans un foyer où on l’infantilisait et lui manquait de respect : « Je ne savais plus ce que je faisais, je n’avais plus ma personnalité, je me suis trompée dans mes médicaments... » Heureusement, elle a eu le courage d’en claquer la porte. Alexandra partage sa colère, adressée à une éducatrice qui, pendant son apprentissage, la « bouffait ». Yolenn, fragilisée par de multiples opérations, se plaint de sa difficulté à gérer ses horaires entre les personnes qui viennent lui apporter des soins et ses rendez-vous médicaux. La dépendance, quelle qu’elle soit, atteint de mille façons leur dignité.