Le Lieu et nous

Vendredi 8 juillet 2016 : cinquième atelier Expression

Avec : Alexandra, Antoinette, Cumba, Danièle, Farida, Ghislaine, Marine, Martine, Saada, Saïda et Irina.

La dernière rencontre de l’atelier Expression était consacrée à exprimer les ressentis pour le Lieu d’accueil. De l’avis général, venir ici ragaillardit.

Déjà le lieu est propre, marque de respect : « C’est pas parce qu’on n’a pas beaucoup d’argent qu’on doit être dans un endroit délabré ! »

 

Pour Saada, « C’est très gentil, on trouve à manger, on trouve sourire... C’est pas mal, ici. Pour moi, c’est extraordinaire. Ce qui est important pour moi, c’est le sourire. Parce que quand tu as rien, ici y’a beaucoup de choses, mais si tu fermes ton visage, c’est rien. On me parle, je parle. J’ai trouvé ici tout ce que je voulais. » Même si, bien sûr, le courant passe mieux avec certaines qu’avec d’autres. Ghyslaine s’accuse : « Moi, j’ai dérangé ici. » Martine ne la contredit pas : « Des fois, tu pars en cacahuète ! Mais tu as bon fond. » « Je ne suis pas méchante » « Non. Tu es tolérante. "

Des femmes bien

Tout au long de l’atelier, Martine va apporter son point de vue de bénévole. Elle raconte sa surprise à sa première venue : « Je pensais, je dois vous l’avouer, à des femmes genre SDF avec des chiens. Et puis quand je vous ai vues, je me suis dit, c’est des femmes bien ici. Même celles qui  dorment dehors, ça ne se voit pas. Elles font attention à elles, elles sont élégantes du mieux qu’elles peuvent... » Ghislaine confirme : « Moi, j’essaie de m’habiller du mieux possible. Mais tu sais, vous êtes sympas, les bénévoles, ça aide à être bien, aussi. » Martine annonce qu’elle est « très attachée aux femmes ici. Elles comptent beaucoup dans ma vie. Du fait que je peux donner, j’essaie de donner  le maximum. Des fois, ça peut être maladroit... »

Le mélange des cultures représente-t-il un handicap ? Pas pour Cumba : « Il y a beaucoup de langues ici. On a débrouillé, on parle la même langue. On prend un mot ici, un mot là. » Antoinette acquiesce : « On peut avoir nos problèmes, mais dès qu’on arrive ici, avec la réception, avec l’engouement, on se détend, on parle, on partage ce qu’on peut, ça libère. Certaines qui n’ont pas de famille, se retrouvent en famille ici. Et c’est encore mieux que la famille. » Alexandra ajoute : « J’ai eu un décès qui m’a beaucoup touchée, c’est ici que j’ai trouvé le soutien. Ça fait bientôt six ans que je viens ici. La famille s’agrandit. » Saïda dit avoir retrouvé ses filles : « Parce que mes filles sont au pays, mes petits enfants sont au pays. »

Contre le cafard, les activités

Au Lieu, on partage aussi des activités. « C’est bien contre les problèmes », estime Saada. « On n’est jamais obligées de faire les activités. Ne pas être obligées donne envie. » Marine a animé des ateliers de peinture et de modelage. Venue pour effectuer un stage, à l’issue duquel elle a obtenu son baccalauréat (« Grâce à nous ! », s’amuse Danièle.), elle revient en tant que bénévole : « Je n’avais pas envie de quitter cet endroit. Je suis attachée aux femmes et je trouve qu’elles y ont droit. C’est un endroit particulièrement magique, j’ai appris beaucoup de choses. » Les dames attendent avec impatience la reprise de l’atelier de danse. « La musique, c’est très bon, commente Cumba, même si tu ne sais pas danser. » Les sorties kayak ont aussi remporté un grand succès ; celles qui n’ont pas osé y aller comptent se rattraper la prochaine fois. Certaines activités sont auto-organisées, sans intervenante extérieure. Saïda s’y connaît en couture : « Je voudrais tellement donner. Mais je ne peux pas, j’ai un handicap. » Danièle, l’aînée de toutes, dit bien s’accommoder du vieillissement : « Il y a la fatigue qui arrive. Quand on ne peut plus... Moi j’ai dit, maintenant, stop. Qu’on me laisse tranquille. Je fais mon petit train-train. Je pars toute seule, je rentre toute seule. Stop. » Protestation de Saïda : « Il faut se faire des copines, de bonnes copines. » « Oui, mais quand on vieillit, c’est pas facile. Ici, je suis de passage. » Pourtant Danièle, après avoir fermement refusé l’atelier à plusieurs reprises, n’a pas voulu louper la dernière séance.

Comme de coutume, l’annonce du goûter interrompt la discussion. Le rituel a une importance cruciale. Pour beaucoup de dames, ça sera le dernier repas de la journée. Cumba explique : « Quand tu n’as pas de maison, tu manges ici à 11h, tu manges ici à 16h, le soir tu ne manges pas. »