Le numérique : un outil pour la connaissance et le bien-être

Parce qu’elle est convaincue que « l’outil numérique est à notre disposition » et pas l’inverse, Catherine Bourmier, médiatrice numérique à l’association ID Numéric à Nantes, apprend à des personnes à le comprendre et à l’utiliser au mieux. Sa passion n’est pas l’informatique... mais de transmettre ses connaissances à des usager.es du net pour qu’elles/ils puissent défendre leur liberté d’expression, protéger leurs données et s’informer sans subir de dommages.

       © ID Numéric

Les révolutions numériques sont rapides, l’idéal d’un web dit « collaboratif » est dépassé par l’ère de la récolte de nos données, de nos traces, de notre identité numérique. L’association porte ce parcours dans son nom : « ID Numéric » pour « IDentité numérique », « ID Numéric » pour des « IDées numériques ». Catherine Bourmier est témoin active de l'histoire numérique. Autodidacte en informatique, elle a « eu le virus dès le début » et n’a « jamais lâché » car « les outils évoluent mais la manière de les aborder reste la même ».

L’identité numérique et ses révolutions

Elle se souvient de l’arrivée d’Internet grand public, le « web1 » au début des années 1990, espérant déjà « une révolution dans l’accès à la connaissance et l’ouverture au monde ». L’équipement reste encore trop compliqué pour se démocratiser. L’utilisateur est passif avec peu d’espace pour interagir.Les années 2000 marque un tournant pour le net; arrive ce que Catherine Bourmier appelle « le web 2 »: l’usager.e devient contributeur.trice actif.ve avec la possibilité d'émettre des informations. Elle/il prend la « parole », publie et interagit en ligne. C’est une nouvelle révolution qui commence, « pour le meilleur et pour le pire »… Dans ce web dit « social », des personnes se mettent en réseaux, échangent et créent des contenus, comme Wikipédia, la 1ere encyclopédie gratuite. Mais les entreprises comprennent son enjeu économique et multiplient aussi leurs présences en ligne, « des boutiques et des produits naissent à tour de bras ».« Le web 2 était passionnant et prometteur mais je pense qu’il est mort depuis 2010 avec l’arrivée du web 3 ». Le début des ennuis, avec la perte de contrôle de nos données jetées dans la « toile » aux géants du web (Google, Facebook, Amazon, Snapchat, Messenger, Youtube, La poste) qui captent en masse « les informations de tous, tout le temps » pour alimenter « une grande machine économique ».

 

              © ID Numéric

Du partage au pillage

En 2015, plus de 80% des Français.es utilisent internet et naviguent à présent sur le « web 4 ». « Pour le pire ? » interpelle cette activiste du web. « S’il s’agissait d’y rechercher des contenus enrichissants, on s’en réjouirait. Mais sous couvert de liberté, des entrepreneur.es se font passer pour des révolutionnaires qui œuvrent pour notre bien, et s’en mettent plein les poches, notamment avec le web social dont Facebook est pionnier. Par exemple, dès qu’on clique sur un like, son créateur Mark Zuckerberg se fait un fric considérable. Et cela pendant qu’il dort! », Internet, branché 24h/24h. Une réalité méconnue du grand public. L’association s’attelle à l’expliquer dans ses ateliers.Elle donne des clés pour échapper à cette « machine de guerre commerciale »: être vigilant.e, savoir que nos données sont réutilisées en permanence, qu’il est possible, mais difficiles de les effacer. Puis, sans parler de « complot », comprendre que c’est un système qui cible surtout les moins averti.es, comme les plus jeunes ou les senior.es. Le processus est d’autant plus inquiétant qu’il devient impossible de boycotter Internet au quotidien: on y trouve désormais nos données CPAM, impôts, CAF, Pôle Emploi... « Comment vont faire les personnes âgées et celles éloignées du numérique pour utiliser ce système ?». Plus personne pour répondre au téléphone , force est de s’initier au web, qu’on le souhaite ou non, qu’on ait ou non les moyens d’acquérir le matériel et l’accès.

© ID Numéric

À la sensibilisation d’internautes averti.es

« Il faudrait qu’il y ait dans chaque quartier de Nantes des accès libres et des ateliers de sensibilisation », plaide Catherine Bourmier. Elle en anime tous les matins, sauf le mercredi, avec Jeannette, elle aussi médiatrice numérique, à la Maison des habitant.es et du/de la citoyen.e, place des Lauriers, dans le quartier Bellevue de Nantes. Sa ligne directrice: le droit de connaître, comprendre et maitriser. Les ateliers d’ID Numéric sont construits avec les habitant.es adhérent.es de l’association, une collaboration étroite à laquelle elle tient. En plus de l’éducation aux médias tous publics, elle propose des séances d’alphabétisation et de médiation numérique, « le b-a ba sur les outils, portables et tablettes. Les personnes n’ayant pas les moyens de s’offrir l’équipement viennent accéder à Internet ». Les ateliers permettent l’accès aux ressources en ligne pour améliorer la vie quotidienne, notamment en offrant un accompagnement à l’accès au droit (démarches juridiques, aides financières etc.) ou à la culture. Ils sont aussi des espaces de création collective, à l’instar des « expéditions numériques » qui sont organisées pour partir découvrir des lieux inconnus et réaliser des petits reportages. Pour se sortir la tête des écrans, ID Numéric fait « des ateliers déconnectés » parce qu’ « internet, l’ordinateur, doivent rester des outils et des ressources, pas une addiction».C’est le cœur du projet associatif : « l’ordinateur doit servir les individus et non l’inverse ». Car si la pratique régulière peut augmenter notre « agilité » numérique, plus d’autonomie en ligne et une amélioration de notre quotidien, « le reste du temps, il faut lâcher ». Une volonté forte d’ID Numéric : mettre l’accent sur la rencontre entre les publics enfance jeunesse et les métiers du secteur, « le numérique offre des possibilités, par exemple apprendre à faire du codage est une super opportunité ».Par où commencer ? Catherine Bourmier et sa collaboratrice animent un « e-café» ou électronique café, tous les premiers lundis du mois. Elle raconte que les personnes qui viennent se rendent compte que nous sommes tou.tes dépassé.es par ces révolutions technologiques. D’échanges en partages, le contenu des futurs ateliers se crée au fil des discussions. On privilégie la liberté d’expression, la parole est donnée à chacun.e en toute bienveillance. Les idées émergent, comme les thèmes des futures sorties numériques. C’est un temps pour se rencontrer, lier des amitiés et s’entraider.

Retouches en ateliers : effet pastel. © ID Numéric

Pour en savoir plus, prendre contact et vous inscrire : Catherine Bourmier et Jeannette Jourda vous donnent rendez-vous tous les 1er lundi de chaque mois au e-café de 10h à 12h (gratuit) hors vacances scolaires et sur www.idnumeric.fr

                                                                                           Émulsion et Geneviève Brillet