Machos, fachos, cathos, vous nous cassez le clito !

Le samedi 1er février 2014, mille deux cents personnes (selon la police – beaucoup plus selon nos estimations) s’étaient rassemblées à Nantes. Des femmes, des hommes, des jeunes, des moins jeunes. En solidarité avec les Espagnoles dont le droit à l’IVG est bafoué. Mais encore ? Paroles glanées au cours de la marche.

 

La question posée était simple : pourquoi êtes-vous là ? Voici quelques réponses.

 

Groupe de jeunes « non encarté.es »

Un garçon : Lutter contre la montée des idées totalitaires en France et en Europe. C’est une dynamique générale : lois sécuritaires, manifs anti-avortement ou homophobes…

Une fille : En solidarité avec les femmes espagnoles, en premier lieu, évidemment, et contre cette loi franquiste. Histoire de dire aussi qu’ici on n’est pas forcément à l’abri de ce genre de choses et qu’il faut toujours se battre pour les droits des femmes.

Et la suite ?

Un garçon : La seule réponse, c’est un grand mouvement social. La situation est grave. La droite n’a jamais été aussi fascisante et la gauche n’a jamais été aussi flasque.

Le féminisme fait-il partie des luttes sociales ?

Ensemble : Ah ben oui !

Une fille : C’est pas seulement une manif, c’est au quotidien. C’est une lutte qu’il faut mener tous les jours, au travail, avec les amis, partout.

 

 

Couple de « militants de base », la soixantaine

Elle : Défendre les droits des femmes.

Ils sont menacés ?

Oui, on a vu la montée des intégrismes.

Lui : C’est une lutte permanente pour maintenir les droits des femmes ou les acquérir… Les droits de tous, finalement !

 

Jeune fille LGBT

Je suis là pour ma mère … et pour tout le monde ! Ma mère a dû faire une IVG avant que ce soit légalisé. Personne ne mérite de passer par une épreuve comme ça !

La remise en cause du droit à l’IVG, qu’est-ce que ça vous inspire ?

C’est le reflet d’une peur et d’un désir de contrôle. Ou peut-être une diversion. Récupérer du pouvoir sur le peuple, du moins sur les femmes pour se rassurer, peut-être ?

Militante au Planning familial, la cinquantaine

Parce que les droits des femmes sont toujours potentiellement en danger. L’exemple espagnol montre que le droit à l’IVG a été rayé de la carte dans un pays européen. La France est un pays européen. Nous avons la chance d’avoir une loi qui nous convient en France, mais on est là par solidarité avec les femmes espagnoles et européennes en général.

Nos droits sont-ils menacés ?

Tant qu’on aura un gouvernement comme celui qui vient de voter une loi favorable, on est plutôt à l’abri. Mais on ne sait jamais de quoi demain peut être fait. Et de toute façon, en ce qui concerne les droits des femmes, et les droits humains, il ne faut jamais lâcher !

 

Romane (qui « ne fait rien ») et Dimitri (élève en lycée autogéré)

Elle : Moi, quand je vois une marche pour la liberté, même si je ne sais pas trop ce que c’est, je vais marcher avec eux. Je suis contre l’interdiction de l’avortement parce que je suis contre toutes les interdictions. C’est pas normal de faire une loi pour décider pour quelqu’un alors qu’on est chacun notre personne à nous.

Il y a tout de même des interdictions nécessaires, non ?

Lui : Oui. Mais plus il y a d’interdictions, moins il y a de bon sens.

Elle : Du moment qu’on ne porte pas atteinte à quelqu’un d’autre, on peut faire ce qu’on veut avec soi-même.

Les militants anti-avortement pensent que l’IVG porte atteinte à un être humain à naître...

Ce n’est pas leur histoire, c’est l’histoire de quelqu’un d’autre et ils n’ont qu’à s’occuper de leur famille à eux ! Et surtout, ce sont des hommes qui font les lois et c’est pas eux la pauvre jeune fille de 14 ans qui est tombée enceinte par accident, qui veut continuer ses études et qui ne veut pas avoir ce bébé. Elle a décidé elle-même parce qu’elle a un cerveau et qu’elle a réfléchi. Eux, ils veulent décider pour elle.

Et pourquoi ?

Ils veulent tout contrôler ! Même le plus minuscule bébé du monde. Ils se sont arrêtés sur des idées qu’on leur a données, ils ne veulent pas évoluer.

Lui : Ils veulent avoir le pouvoir. Le pouvoir, c’est de la merde !

 

Jeune femme portant une affiche du Planning familial : « IVG, PMA, même combat ! »

Les deux concernent le corps des femmes, c’est à elles de décider. Je défends la PMA parce que déjà les couples LGBT, ce n’est pas entré dans les mœurs, mais la PMA pour eux, ça n’est pas encore gagné. On a vu le combat pour le mariage pour tous l’année dernière. Pour les couples hétéros, c’est déjà mieux admis. Selon moi, parce que le couple hétéro, c’est la base du patriarcat. Il faut se mettre avec quelqu’un du sexe opposé pour procréer. Personnellement, je suis contre le capitalisme et contre le patriarcat. C’est dur de le défendre tous les jours, à la maison, au travail, dans la rue...

 

Son compagnon

Je suis féministe et que je défends les droits des femmes. Comme le disait Simone de Beauvoir, il faut faire attention, car à la moindre crise, ces droits sont remis en cause. En France, on a de bonnes lois, mais il faudrait les appliquer. On dit qu’il n’y a pas de fric. Du fric, il y en a pour les banques, mais pas pour ça. Même chose pour la parité. On a d’excellentes lois, mais regardez le Sénat, regardez l’Assemblée nationale...

Et dans la vie quotidienne, du côté des garçons, les mentalités évoluent ?

On n’entend plus trop les arguments genre « c’est des trucs de bonne femme ». Pour moi, le plus grand danger actuellement, c’est la récupération du féminisme par l’extrême-droite qui se pose en défenseur des femmes, par opposition aux musulmans.

 

Femme, la quarantaine, en reconversion professionnelle

Pour défendre le droit des femmes à disposer de leur corps et à décider elles-mêmes de comment elles veulent mener leur vie.

Vous pensez que ces droits sont menacés ?

Évidemment ! On n’est jamais à l’abri. Il ne faut pas croire que les acquis sont des acquis et que ça ne va pas bouger. On sent un retour de la morale, et en particulier du pouvoir religieux, surtout sur les femmes et leurs droits. On est dans une société qui se dit laïque mais on sent quand même le poids de la religion. Je ne parle pas de l’islam, je parle des catholiques.

Vous pensez que ça ressort à la faveur de la crise ?

La crise, elle a bon dos ! Elle est là, mais elle est liée au système de société dans lequel on vit, qui est dictée par le capital. La religion est un moyen de pression sur les gens. Je vois toute la journée des jeunes de 20, 25 ans. J’ai l’impression qu’ils ne se rendent pas compte.

 

Étudiante en médecine portant une pancarte : « Pas de sexisme à l’école »

Le sexisme, ça commence dès le plus jeune âge. Après, ça a des répercussions sur tout ce que les jeunes peuvent penser quand ils deviennent adultes. Si on est éduqué à l’égalité, ça devient naturel. La liberté du corps devient une évidence.

Il y a aussi des jeunes dans les mouvements anti-avortement ou homophobes, qu’est-ce qui peut les y pousser ?

Ça vient sans doute de leur éducation. Ils n’ont pas forcément réfléchi aux conséquences que ça pouvait avoir. J’avoue que j’ai du mal à me mettre dans leur tête car pour moi, leurs revendications sont incompréhensibles. Peut-être qu’ils croient trouver dans leur violence et leur haine une solution à leurs problèmes personnels ou sociétaux. Mais je pense qu’ils ne se posent pas les bonnes questions à la base.

Quelles seraient les bonnes questions ?

Comment je vais trouver ma place dans la société ? Comment évoluer avec les autres en étant citoyen ? Quelles sont les meilleures lois pour que tout le monde se sente libre, pour que tout le monde se sente mieux ? Et pas uniquement : comment mes représentations peuvent être les meilleures ? Sans se poser de questions sur les autres. C’est une affaire d’ouverture d’esprit.

 

Femme, la quarantaine, portant des pancartes en anglais

C’est un combat international qui concerne toutes les femmes du monde, même si aujourd’hui, c’est plutôt pour les Espagnoles. C’est pour ça que j’ai fait des pancartes aussi en anglais et en espagnol. Malheureusement, on est obligées de ressortir les vieux slogans. On voit que le droit à l’IVG recule tous les jours, dans tous les pays. L’exemple espagnol inquiète, et c’est pour ça que les Européennes bougent. Il ne faut jamais lâcher. Pour moi, c’est un problème humain, pas seulement de femme. On voit qu’il y a beaucoup d’hommes dans cette manifestation. Il y a des jeunes, mais aussi des personnes qui peuvent être des grands-parents, qui ont sans doute défendu nos droits et qui reviennent pour les défendre encore. Merci !

 

Femme, la soixantaine, portant une pancarte « Parti de gauche »

Nous, notre génération, on s’est battu pour la contraception et le droit à l’avortement. Et on a l’impression d’un retour en arrière. Pour l’instant, c’est en Espagne. Mais en France, il y a un débat social difficile et il y a beaucoup de choses qui sont remises en cause. La liberté du corps, c’est un droit fondamental. Et aussi, que l’enfant à naître soit désiré, c’est très important, pour son avenir, pour le couple, pour plein de choses.

A la question de savoir si le Parti de gauche intègre les luttes féministes autant qu’elle le souhaiterait, la militante reste évasive.

 

Jeune femme, membre d’une chorale non-mixte, « aussi militante anti-aéroport »

Qu’est-ce qu’on défend ? Surtout, on voit la montée d’une nouvelle forme de conservatisme. On est souvent confrontées à ça. On a besoin de montrer que nous aussi, en tant que femmes, on se réapproprie les luttes anti-fascistes où il y a plutôt une majorité d’hommes.

Il y a tout de même beaucoup d’hommes dans cette manif ? Plus qu'il n'y en aurait eu il y a quelques années.

Ah bon ? Ce que je trouve chouette, c’est que même s’il y a des hommes, ce sont les femmes qui restent en avant. Ça fait du bien ! J’ai l’impression que le sujet de l’avortement n’est plus considéré seulement un sujet de femmes, mais un sujet de société. Ça l’était peut-être moins avant, je n’en sais rien. Ils se rendent compte qu’eux aussi peuvent souffrir de la société patriarcale. C’est important.

 

Jeunes, groupe « Action anti-fasciste Nantes »

Un garçon : Le droit à l’IVG, c’est un droit que les femmes ont obtenu et il n’y a pas moyen de le supprimer comme ça.

Une fille : Et aussi pour lutter contre les politiques autoritaires qui font que les droits reculent partout. Ça devient pénible d’endurer ça. Le manque de moyens accordés aux centres de santé, ça devient inquiétant. Ça fait partie d’un mécanisme plus large où toutes les politiques sociales sont en danger. Ça m’inquiète vraiment, et la lutte pour l’IVG, c’est une lutte importante parmi tout ça, il ne faut pas l’oublier.

Un garçon : Le fait qu’il y ait un retour en arrière en Espagne, c’est un mauvais signal, qui arrive dans un contexte de crise. Il y a des gens qui profitent de cette crise pour faire avancer leur idéologie. Derrière, il y a tout un mouvement réactionnaire qui se met en place au niveau européen, toute une complicité avec des groupes d’extrême-droite qui sont en train d’irriguer les politiques européennes. Nous, de toute façon, on s’associe à tous les mouvements pour l’égalité, sociale, de genre... Le fait que des droits soient remis en cause dans un contexte de frustration liée à la crise, ça nous paraît dangereux.