Toutes les femmes ont le pouvoir de se défendre !

Riposte : c’est l’intitulé du stage d’autodéfense pour femmes et adolescentes organisé par l’association nantaise La trousse à outils. On y apprend quelques moyens simples et efficaces pour prévenir les agressions et y réagir. Rencontre avec son animatrice Al .

La trousse à outils, comme son nom l’indique, n’ambitionne pas d’asséner des conseils, mais d’initier à des techniques accessibles à toutes pour prendre en charge sa propre protection. Libre à chacune de les adapter à la situation. « Il n’y a pas de règles, souligne Al. Chaque femme doit faire confiance à son intuition, choisir ce qui est possible et ce qui lui convient. »

Une alternative négligée

Les enquêtes sur les violences subies par les femmes, qu’elles soient physiques, verbales, psychologiques ou sexuelles, ou tout à la fois, dépassent rarement le stade du constat. La question de la réparation après les violences est souvent traitée. Quant à la prévention... «Les règles courantes s’inscrivent dans un discours de limitation, analyse Al . On recommande aux femmes de ne pas sortir seules le soir, de ne pas porter des jupes courtes... En plus, ces règles reposent sur des mythes, puisque 80% des agressions de tous types sont commises par des personnes connues.[1] Donc, les suivre ne met pas à l’abri. L’auto-défense n’est jamais envisagée comme une des solutions.» Ce silence renforce le stéréotype selon lequel une femme, forcément faible, aurait impérativement besoin d’un homme pour la protéger. Résultat : les femmes elles-mêmes retiennent rarement la possibilité de riposter pour se sortir d’une situation menaçante.

Aussi, Al  et ses camarades ont-elles collecté des « histoires de réussite » qui illustrent le crédo du stage : toutes les femmes ont la capacité et le pouvoir de se défendre. « La presse ne rapporte que des histoires tragiques. Elle ne parle jamais des agressions dont des femmes se sont sorties ni de comment elles s’y sont prises. Si une femme raconte une expérience de réussite, on lui rétorque souvent qu’elle a eu de la chance, sous-entendu, qu’elle ne le doit qu’au manque de détermination de son agresseur. A l’inverse, si elle ne s’en est pas bien sortie, elle culpabilise de ne pas avoir réagi comme il l’aurait fallu. »

Les participantes aux stage Riposte reçoivent une « piqûre de rappel » qui substitue les faits aux clichés : « A l’opposé de l’idée reçue qui veut que se défendre risque d’envenimer la situation, il est établi que riposter augmente nos chances de survie. Ça ne veut pas forcément dire aller à l’affrontement physique : une étude dans le cadre des tentatives d’agressions sexuelles a montré que plus de la moitié des femmes s’en sont sorties en émettant un bruit fort, notamment en criant. Le premier objectif du stage est de restaurer la confiance en soi, pour se concentrer sur ce qu’on peut faire, pas sur ce qu’on ne peut pas faire. »

 

La France à la traîne

Il y a plus d’une raison pour laquelle des femmes, d’âges et de conditions physiques très variés, s’inscrivent. Soucieuse de répondre aux besoins en considérant tous les types d’agressions spécifiques aux femmes, La trousse à outils pose au préalable la question. « Certaines ont déjà subi des agressions. D’autres ressentent de la peur dans certaines situations quotidiennes. Et puis d’autres encore ont juste envie de prendre deux jours pour elles. »

Il existe peu de cadres où se retrouver pour « faire face à la fatalité de la passivité ». Les animatrices des six ou sept associations françaises ont toutes été formées à l’étranger : Belgique, Québec, Suisse. La Trousse à outils, comme une association grenobloise, a opté pour une méthode québécoise. Elle poursuit actuellement un cycle de formation auprès de sept femmes. « Le premier en France depuis les années 1980 ! souligne Al. Nous n’avons pas les moyens de proposer des formations avec un emploi à la clef. C’est un travail de militantes. On continue par conviction. Chacune apporte ses acquis, et ses défis. »

 

Délivrées du sentiment d'insécurité

La méthode adoptée ne ressemble aucunement à l’apprentissage d’un sport de combat, dont la maîtrise demande de longues années : « Nous y sommes réfractaires. Nous allons au plus simple et au plus immédiat. »

Durant les quinze heures du stage, réparties sur deux jours, Al alterne analyse, discussions et pratiques physiques. Tout d’abord, il convient d’apprendre à rapidement identifier les agresseurs et l’environnement, pour y ajuster sa réaction. L’animatrice propose plusieurs stratégies et techniques, verbales et physiques, pour mettre fin une agression : maîtriser la respiration pour éviter la paralysie qui bloque le cri d’alerte ou le message ferme de refus ; travailler le langage corporel  (posture et regard) ; tirer partie de son environnement pour fuir ou trouver une assistance ; apprendre à demander de l’aide, pour soi ou pour autrui ; connaître les parties fragiles du corps humain pour mieux neutraliser l’adversaire ;  ramasser sa force pour frapper, évincer ou se dégager... Ces parades sont mises en pratique dans des jeux de rôles, exercices et mises en situation, en adéquation avec chaque femme, selon ses capacités physiques, ses besoins, ses souhaits. Pour le public ado (12/16 ans), le programme diffère légèrement car « elles ne rencontrent pas les mêmes situations ».

« Il n’y a pas de recettes magiques ! rappelle A . Il n’y a pas non plus de hiérarchisation entre les techniques. S’enfuir en criant est aussi valable que de rendre les coups. Chacune choisit sa manière de riposter, ou non. » Les retours des participantes sont, dit-elle, « enthousiastes ». Même si, fort heureusement, l’occasion d’expérimenter leurs nouveaux outils ne se présentera pas forcément, elles sortent du stage ragaillardies, plus sûres d’elles. Délestées du sentiment d’insécurité qui empoisonne quotidiennement la vie des femmes et contre lequel La trousse à outils entend lutter. Elles se sentiront capables, en conséquence, d’intervenir solidairement pour sortir une autre femme d’un mauvais pas.

 

Contact :

La Trousse à Outils

Tél : 06 05 14 02 87

 

[1] Chiffres de l’HCE /fh (Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes).