Roberte Laporal, musicothérapeute

Toujours en marche

Tour à tour ou simultanément éducatrice, conseillère, chanteuse, chercheuse, Roberte Laporal trouve dans chaque épisode de sa riche vie matière à réflexion. La passion de transmettre l’anime : « Aider a toujours fait partie de ce en quoi je crois. »

 

Née à Paris de parents venus des Antilles, Roberte Laporal a grandi dans une banlieue parisienne. « J’ai connu une enfance paisible, raconte-t-elle. A l’exception de mes deux années de CP avec une institutrice qui maltraitait physiquement ses élèves. Là, j’ai perçu ce que c’était que l’autorité exercée avec brutalité. » L’exact contraire de ce qu’elle défendra au sein de toutes ses activités professionnelles et associatives.

La famille de Roberte Laporal appartient à la mouvance évangélique. « C’est une culture marquante, qui m’a construite et me construit probablement encore. » A l’adolescence, elle se sent tiraillée entre la morale familiale, puritaine, et ses propres observations. Au lycée, elle a choisi la filière « sciences médico-sociales ». Deux de ses condisciples forment un couple homosexuel. Condamnable donc, selon ce qu’on lui a appris. Et pourtant : « Je ne voyais pas ce qu’on pouvait reprocher à Cathy et Katia ! ».

                             Roberte à 4 ans                                           Roberte à 21 ans

Comprendre pour se détacher

A 17 ans, elle devient éducatrice bénévole dans la ville voisine où elle est au lycée. A 19 ans, la mort violente d’un jeune du quartier dont elle s'occupait, abattu dans le dos par un commerçant qu’il avait tenté de voler, la plonge dans un profond désarroi. « J’étais déstabilisée. Je ne savais plus quoi faire. J’ai vécu deux années difficiles. Une période d’errance, y compris dans mon mariage. Ça a pris du sens quand j’ai quitté mon mari en emmenant mon fils. »

Roberte Laporal retourne dans sa famille, donc parmi les évangélistes. « Et je ne les comprenais toujours pas ! » Elle décide alors de suivre des études de théologie dans un institut biblique Européen (I.B.E.) situé à Lamorlaye dans l'Oise« Le religieux m’avait façonnée. Il fallait que je découpe tout pour pouvoir reconstruire. » Elle y reste deux ans, puis rejoint l’Institut théologique protestant de Paris, où elle trouvera des éléments de réponse. « Le mot “péché“ venait tout le temps envahir ma vie, mon subconscient. Il a été remplacé par le mot “erreur“. On prenait en compte que les humains sont faits pour se tromper et faire des choix. Ça ramenait la religion à quelque chose de plus humain. Et en même temps, ça m’en a éloignée. Je me suis dit que je pouvais quitter la religion parce que je pouvais relativiser. » Croyant toujours « en quelque chose », Roberte Laporal se définit aujourd’hui comme « œcuménique ». « Je peux aller dans n’importe quelle église. Pour moi, la seule responsabilité que chaque femme ou chaque homme a, c’est de vivre pleinement sa vie. »

Roberte Laporal chez elle
Roberte Laporal chez elle

La musique s’impose

Avant ses études théologiques qui dureront quatre ans, Roberte Laporal était passée par la case entreprise. Secrétaire bilingue, elle ne se rend pas compte que sa polyvalence, son goût pour les compétences nouvelles, son énergie, ses initiatives pour améliorer les conditions de travail de toutes et tous, la font considérer comme une adversaire par son supérieur, qui bloquera sa promotion. En parallèle de ses études, elle a exercé le métier d’animatrice. Après, elle s’installe à Saumur. Elle monte une entreprise de télé-secrétariat, rencontre le futur père de sa fille. « Ni l’un ni l’autre n’a vraiment fonctionné ! précise-t-elle en riant. Et c’est alors que le chant est apparu ! »

« Nous étions une famille de musiciens. Ma sœur et mes cinq frères pratiquaient un instrument. Ma mère m’a proposé tardivement de prendre des cours. J’ai refusé car moi, la grande fille, qui jouait le rôle de “petite mère“, je ne voulais pas être en retard sur les plus jeunes. » A l’adolescence, sa mère lui offre toutefois sa première guitare, ce dont elle lui est « toujours reconnaissante ». Durant son enfance, elle chante énormément au lieu de culte. A la chorale de l’institut biblique, sa voix est remarquée. Une cheffe de chœur lui dit qu’elle devrait être soliste, ses camarades la plébiscitent. Mais elle se fait toujours prier...

Et puis, à Saumur, une amie qui l’a vue gratter sa guitare, lui propose de jouer dans l’abbaye d’Asnières, à Cizay-la-Madeleine. Roberte Laporal rétorque qu’elle préfère chanter a capella. A la suite de ce concert imprévu, les propositions affluent. « J’ai vu que la musique s’imposait à moi. Je me suis demandé si je pouvais en vivre. » Elle en vivra en effet de 1998 à 2005, dans un répertoire jazz et gospel, accompagnée par Jan Stumke, qui était aussi le pianiste de Nicoletta, duo auquel s'ajoute Sébatien Glet, un guitariste, contrebassiste..

Mais en 2002, la maladie vient freiner son élan. « Ça m’a même fauché dans ma vie », affirme Roberte Laporal en se remémorant la légionellose qui l’a empoisonnée, dans les deux sens du terme, durant neuf ans Cette maladie infectieuse est due à une bactérie se développant dans les réseaux d’eau douce, en l’occurrence les canalisations de ses deux appartements HLM successifs. Malgré les dommages subis pour elle et ses enfants, hospitalisations, énorme fatigue, troubles de l’humeur, perte de ses activités professionnelles, Roberte Laporal n’a jamais reçu de dédommagement et son dossier reste ouvert. « C’est un dossier qu’il faut taire. Pourtant, la légionellose est un problème de santé publique. »

                                Roberte Laporal en concert (portrait couleur : Muriel Devey)

Parentalité et égalitéE

Roberte Laporal espère renouer un jour avec le chant. Pour l’heure, elle utilise la musique à d’autres fins, au service d’autrui. Elle songeait à devenir musicothérapeute avant sa maladie. Malgré les difficultés financières et la fatigue, elle obtient son diplôme. Elle l’a en poche quand elle s’installe à Nantes en 2011.

Sa pratique l’amène à conseiller des jeunes couples en attente d’une naissance. C’est alors que resurgit une question qui l’a toujours « travaillée » : la place du père. L’absence du père est récurrente dans son histoire familiale. Roberte Laporal va creuser la question de la parentalité au masculin, allant chercher les racines des clichés dans les pratiques spirituelles anciennes. Elle transmet aussi les fruits de ses recherches lors de conférences. (lire la conférence La place du père en périnatalité)

Récemment, elle a ajouté une corde à son arc en suivant une formation « Analyse du travail et développement des compétences ». Fidèle à ses engagements, elle est convaincue que la valorisation des compétences au sein d’une entreprise passe par celle de la diversité, de l’égalité femmes/hommes, et aussi de la parentalité. « Devenir parent n’est pas une perte de valeur pour l’entreprise, mais une valeur ajoutée. Au niveau neurobiologique déjà, il y a une activation de l’aire de décision. Quand on devient parent, on accède davantage à soi, on est plus mature. » Cela vaut bien sûr pour un père tout autant que pour une mère. Roberte Laporal craint d’être « un peu trop en avance » sur les mentalités. Mais elle compte sur la réforme du congé de parentalité pour mieux se faire entendre. Même si elle trouve « dommage de devoir y aller à coup de lois » pour faire avancer l’égalité.

Elle estime que les futurs parents devraient être mieux informés du choc psychique que représente une naissance. « Il va falloir trouver des solutions pour vivre ensemble. Un travail sur la parentalité change le couple. C’est à lui de décider de la répartition des tâches, en fonction de ce que chacun.e sait et veut faire, et sans s’arrêter aux représentations transmises par la société. » Exit la détermination du genre, place à l’individu.e. « On n’accédera à l’égalité qu’en sortant de cette culture qui veut qu’un homme ne devrait pas avoir d’émotions.»