Éducation aux médias, genre et sexisme

Entretien avec Sarah Mercier et Lucas Gallais, de l’association « Les Pieds dans le PAF » (paysage audiovisuel français) à Saint Nazaire sur le rapport au genre ou au sexisme dans leurs actions d’éducation aux médias.

      © Les Pieds dans le PAF

Vous avez mené des actions « genre et médias », pourquoi ?

Lucas Gallais : C’est un thème proposé par une administratrice de l’association, Gaëlle Bonnafoux, en 2015. Un groupe s’est constitué pour saisir l’ensemble du C.A sur quels types d’actions on pouvait mener là-dessus puis on a organisé plusieurs événements tout public.Sarah Mercier : C’est aussi parti de besoins constatés lors de nos interventions de décryptage audiovisuel et d’éducation aux médias dans les écoles, de travailler autour des représentations du genre ou du sexisme.

 

Comment se sont-elles déroulées ?

Lucas Gallais : Dans un premier temps on a lancé un appel pour passer 24 heures ensemble devant la télévision pour analyser le genre. Avec notre propre grille d’analyse : comment les femmes et les hommes sont représentés, quelle fréquence, etc. Mais cela s’est révélé compliqué de produire une analyse factuelle à notre niveau sur un sujet aussi délicat. Elle rejoignait plus ou moins les constats des études médiatiques[1].Sarah Mercier : Puis on a fait une série d’actions type « porteur-ses de parole » ou des décryptages audiovisuels dans la rue. Le but était d’y aller avec notre étude, récolter la parole des passants et créer le débat dans l’espace publique.

 

      © Les Pieds dans le PAF

Comment se passe une action « porteur.se de parole » ?

Lucas Gallais: On affiche une question ouverte à discuter avec le public dont on récolte la parole. Dans ce cas on a demandé : « une femme à la TV, c’est... ? » , « un homme à la TV, c’est... ? ». En fonction des réactions, au fil de la discussion on synthétise les phrases des personnes participantes. C’est très visuel, on affiche ça dans la rue puis on invite à venir prendre le café à notre stand pour en discuter.

 

Quels types de réactions ou débats avez vous pu récolter ?

Lucas Gallais : On a eu affaire à tout type de réactions mais beaucoup tournait autour de représentations très stéréotypées sur le genre dans les médias. Certaines personnes semblaient avoir conscience des clichés, mais qui ne les atteignaient pas forcément.Sarah Mercier : J’ai utilisé notre « borne de décryptage sauvage » (écran mobile à roulettes) en passant un extrait d’une campagne de publicité do it like a girl (fais-le comme une fille) de la marque « Allways ». Elle s’appuie sur un discours pseudo féministe pour inviter chacune à rejoindre la lutte, avec ses tampons... Après visionnage, on a demandé, notamment à un groupe d’adolescentes, comment elles envisageaient la récupération d’un message de lutte à destination commerciale.

 

Une publicité qui veut faire avancer la cause féministe... c’est pas bien ? Quelle a été la conclusion du débat ?

Sarah Mercier : On apporte pas de réponse à la question... On cherche à travailler l’esprit critique. Ce n’est pas à nous de prendre parti mais d’interpeller. Ça dépend du public, on part de la culture des gens, des fois on peut aller plus loin, partir de la forme pour travailler sur le fond.

 

L’association est-elle souvent sollicitée pour des actions sur le genre et les médias ?

Lucas Gallais : On est généralement confronté à la question dans nos actions quotidiennes d’éducation aux médias mais pas tant sur des demandes spécifiques. Dernièrement, deux collèges nous ont demandé d’intervenir sur le thème du sexisme. Dans un cas on a fait un décryptage audiovisuel d’un extrait télévisé. L’autre était un peu différent, on a accompagné les élèves dans la réalisation de scénarios et de clips vidéo. Le résultat était assez mitigé en fonction des groupes : autant certains dénonçaient à fond les inégalités alors que pour d’autres, le sujet ne semblait pas clair. Le temps d’intervention était rapide et le travail en parallèle avec les professeurs est essentiel.

 

      © Les Pieds dans le PAF

Vous avez des conseils pour des professionnel.les sur ces questions en éducation aux médias ?

Sarah Mercier : J’ai peut-être un avis tranché. Je pense que pour parler de sexisme avec des adolescents il faut éviter la mixité. En fonction de l’âge des participants, il vaut mieux séparer les filles et les garçons tellement ces questions sont sensibles. Il faut créer un climat de confiance, être à l’aise pour en parler en groupe ! Sinon il y a un manque de participation, en mixité on ne va pas forcément se permettre...Lucas Gallais : Il faut en débattre avant tout. Les médias c’est une super première approche pour décrypter les stéréotypes, dont la publicité, la TV réalité, l’analyse des programmes... mais il faut aussi être armé ! ACRIMED propose des outils pour analyser les médias, le sexisme et développer l’esprit critique. C’est à la portée de tous, il faut juste bien préparer son intervention, s’adapter à chaque public avec des objectifs précis. On peut se servir des techniques d’éducation populaire comme les « porteurs de parole », les débats mouvants, théâtres forum qui permettent à chacun de s’exprimer. Notre rôle en tant qu’intervenant.e n’est pas de trancher une question ou d’apporter un discours moralisateur.Sarah Mercier : Il n’existe pas de recette miracle ! Pas d’action pédagogique sur mesure. L’analyse de la publicité est un bon moyen de rentrer dans le sujet car les clichés y sont tellement forts... C’est peut-être radical mais si on aborde des sujets comme le sexisme sans aller jusqu’au bout... c’est pour se donner bonne conscience. C’est trop souvent pour la forme que les adultes travaillent ces questions avec des enfants ou des jeunes, ceci sans s’aventurer dans les débats de fond.

 

Pour en savoir plus, participer ou contacter l'association les Pieds dans le PAF:

http://www.piedsdanslepaf.org/cestquoi/

                                                                                                   Geneviève Brillet

 

[1] 1 Global Media Monitoring Project (GMMP) Unesco (étude longitudinale montrant notamment seulement 24 % de femmes dans les médias en U.E et les inégalités de posture ou de hiérachie)