Les ass' mat' se rebiffent

On ne parle jamais de cette profession physiquement éprouvante, prenante,  précaire… Et pourtant essentielle pour celles et ceux qui emploient des assistantes maternelles. Alors que leur indemnisation du chômage en cas d’activité réduite

est mise en cause, elles élèvent enfin la voix.

 

Le rôle des assistantes maternelles est crucial dans la vie des familles : ce sont elles qui permettent aux parents de s’organiser, quels que soient les horaires professionnels auxquels ils sont soumis. Les « nounous » engagées répondent à leurs besoins ; les parents deviennent ainsi leurs employeurs. Beaucoup se plaignent de la difficulté de trouver une assistante maternelle. Beaucoup aussi du prix qu’il leur en coûte, lourd pour les petits et même les « moyens » salaires. Mais les ass’ mat’ elles-mêmes connaissent des difficultés financières. Payées chichement pour leurs heures de présence, elles ne le sont plus si un enfant est absent, pour cause de maladie, de congés des parents, ou définitivement pour déménagement. Les pertes de contrat, les baisses de revenus, sont imprévisibles, elles surgissent soudainement dans la vie de l’assistante maternelle qui doit y faire face. Jusqu’à présent, ce manque à gagner est partiellement compensé par une indemnisation de Pôle emploi, l’ARE. Or le ministère du Travail envisage de remettre en cause cette indemnisation, sous le prétexte « d’inciter davantage les personnes à privilégier les revenus d’activité. » Les syndicats CGT et FO sont allés à la rencontre des assistantes maternelles, isolées dans leur travail à domicile qui les enferment chez elles. Elles sont sorties de leur réserve car cette mesure rendrait impossible d’exercer leur métier, faute de revenus permettant d’assurer leur survivance.

Laurence, assistante maternelle depuis vingt-cinq ans, a accepté ce que les services sociaux appellent les « risques du métier » : une journée de travail qui peut aller de 6h à 20h, l’absence des temps de pause, le ménage et la lessive après le travail (non rémunérés), la dégradation du matériel à renouveler sur son propre budget… Mais elle voudrait « plus de respect. Qu’on prenne en compte le métier, les finances. On est occupées tout le temps et on vient nous dire qu’on ne fait rien ! On nous donne des lois et des contraintes mais on ne fait rien pour nous aider.». Elle critique le contenu des formations, régulières certes, mais peu efficaces : « On ne nous aide pas sur la loi, on ne nous aide pas moralement. On nous dit de pratiquer un sport, d’aller à la piscine pour ménager notre santé, mais il faut du temps pour ça et de l’argent. » Parce que soumises qu'à certaines dispositions du Code du travail, les assistantes maternelles ne bénéficient pas de la Médecine du travail. « C’est marche ou crève. On ne prend même plus notre température, ça ne sert à rien. » Elles sont très exposées aux risques de troubles musculo-squelettiques (TMS) qui, en l’absence de détection et de soins, empirent avec le temps. Aux femmes qui ne bénéficient plus de leur forme alerte d’avant, on dit, comme à Laurence, qu’elles sont « trop vieilles », ce qui menace leur agrément. « On fait quoi si on n’a pas de complément de salaire ? » Elle souligne que les « nounous » ne sont pas « des structures qui peuvent fermer leurs portes. On ne peut pas mettre les enfants dehors. Qu’est-ce qu’on dit aux parents qui ont un retard ou un imprévu ? » Le problème se pose plus particulièrement avec les mères qui travaillent « au planning » et qui ne connaissent elles-mêmes leurs horaires que peu de temps à l’avance. Leurs contraintes rejaillissent sur les assistantes maternelles. Pourtant, Laurence s’estime moins bien traitée par les parents qu’elle ne l’était, comme si les incivilités se répercutaient avec les humiliations de plus en plus subies par les travailleur·ses. « Pourquoi les parents ne sont pas avec nous, aujourd’hui ? Ils ont besoin de nous. » Elle a elle-même connu un divorce et évoque les difficultés de couple générées par le métier : « Parfois, on prend sur la paie du mari pour renouveler le matériel parce qu’on a soi-même un petit salaire. Ça l’énerve. On dit aux hommes de ne pas trop rester à la maison parce qu’il y a les enfants. Ils fuient la maison, ils fuient leur femme… » Elle adore toujours son métier mais elle pousse un cri d’alerte : « Il faut qu’on nous aide. On est en train de nous assassiner. »