Santé au féminin

Quelles questions se posent les femmes sur leur propre santé qu’elles n’osent poser à leur médecin ? Elles étaient une quarantaine réunies dans la salle du CSC Bellevue pour les soumettre à un panel de professionnelles.

 

La démarche n’est pas nouvelle. Depuis 2017, à l’initiative de l’Épicerie communautaire et de l’association Arlène, des discussions en compagnie de la médecin-gynécologue Marie-Françoise Girard regroupaient des citoyennes de Bellevue. Les femmes endossent généralement la responsabilité de la santé de leurs enfants. Beaucoup veillent aussi à celle de leurs aîné·es, ou de leur compagnon. Leur propre équilibre, leur préservation des dangers, passent en dernière position de leurs préoccupations, s’il leur reste du temps. À ça s’ajoute une pudeur qui les retient d’aborder franchement ce qui touche à la gynécologie, à la maternité, plus encore à la sexualité.

Les conditions de la rencontre à Bellevue le 26 mars 2019 favorisaient la détente. Les femmes se regroupaient à une dizaine autour d’une table, avec une des animatrices associatives qui avaient participé à la démarche, et formulaient leurs questions, écrites anonymement sur des papiers qui seraient remis aux médecins, toutes de sexe féminin, qui y répondraient dans un second temps depuis leur estrade. Les interrogations touchaient au suivi gynécologique, au cycle, au risque d’endométriose, à la contraception, aux cancers du sein et du col et à leurs dépistages, à la ménopause…

Obtenir une consultation chez un·e un gynécologue près de chez soi, pour un prix abordable, devient difficile car beaucoup de ces spécialistes s’orientent vers la procréation assistée, le traitement de maladies graves, et non un simple suivi régulier d’une patiente veillant à sa santé au fil des étapes de sa vie. Cependant, assuraient les médecins réunies, de nombreux généralistes possèdent un diplôme les qualifiant en gynécologie médicale. Avec elles, avec eux, soumis·es au secret médical strict, on peut parler de cycle, d’hygiène, de contraception, d’infections sexuellement transmissibles, de grossesse, d’interruption volontaire de grossesse, de ménopause, de dépistage des cancers du sein ou de la vulve, de toutes les douleurs ou disfonctionnements qui inquiètent légitimement. Pour évoquer les désir et la sexualité, mieux vaut consulter un·e sexologue – c’est encore bien timidement que la sexualité féminine existe, constate-t-on ; elle reste un sujet secret, son épanouissement ne constitue pas un droit à défendre.

On parle ce jour-là tout de même d’excision. Les professionnel·es de l’UGOMPS (Unité de gynécologie-obstétrique médico-socio-sociale) ont été formé·es, assurent les médecins présentes dont certaines y consultent, ce qui en fait des référent·es. Mais leur nombre restreint les contraint à définir des patientes prioritaires, les autres devant renoncer à obtenir un rendez-vous. Recevoir des « femmes en situation de vulnérabilité » est leur vocation. Parmi celles-ci, elles privilégient les femmes enceintes, les migrantes, les femmes excisées répondant à ces deux critères n’étant pas rares. Celles qui ont encore un toit, une famille, que l’excision menace ou touche néanmoins, ne bénéficient pas d’un lieu où évoquer et/ou combattre le fléau. Les femmes sans grosses ressources ni soutien doivent s’adresser à des services publics pour s’occuper de leur santé gynécologique et sexuelle, qui devrait être une priorité pour chacune : centre de planification pour les jeunes filles en quête d’informations et/ou de contraception, centres de santé pour les adultes, centres de dépistage gratuit du cancer pour les plus âgées.

On se réjouit que ces services existent, encore faudrait-il que les médecins y soient en nombre suffisant pour répondre à la demande, forcément importante, et que toutes puissent y accéder facilement. L'ouverture de la Maison de santé, qu'a rappelée l'élue Marie-Annick Benatre en ouverture d'atelier, et celle du centre porst-traumatique destiné aux femmes victimes de violences, devrait faciliter aux femmes l'accès aux soins. Cette dimension entre dans leurs programmes. Cette avancée notable aidera-t-elle à résoudre un problème récurrent qui paraît anodin mais ne l'est pas du tout pour des milliers de personnes : le prix élevé des protections périodiques (près de 20€ par mois, en moyenne). Quand les industriels cesseront-ils de s'octroyer d'énormes profits sur ces produits indispensables pour clientes captives, lourdement taxés ? Il faudra les y inciter fermement.